Andata Ritorno présente à Genève "L'hypothèse de l'île" de Jean-Pierre Brazs

par Etienne Dumont
24 mars 2019

A 72 ans, l'artiste expose pour la première fois dans la galerie. Il y présente un projet soutenu parallèlement par un livre. Il est question ici de dérèglement climatique.

C'est une immersion, à tous les sens du terme. Andata Ritorno propose à Genève un travail de Jean-Pierre Brazs. Le Franco-Hongrois se retrouve pour la première fois dans une galerie qui en arrive aujourd'hui à sa 313e exposition. Record genevois. Son accrochage s'intitule «L'hypothèse de l'île». Autant dire que celle-ci n'existe pas. L'atoll en question, vestige d'une ville qui fut jadis continentale, est en butte à l'inexorable montée des eaux. Le changement climatique transforme peu à peu la cité basse en cloaque, tandis que la partie haute s'accroche, avec ses jardins suspendus. La mer, jadis objet de convoitise et de délices, est devenue l'ennemie. Comme chez Marguerite Duras, il faut désormais des barrages contre le Pacifique...

Ce que je vous raconte là ne se trouve pas aux murs des deux salles d'Andata Ritorno. Quoique... Je tire le récit du livre d'accompagnement, paru en parallèle aux éditions Notari. Il se trouve dans le «prologue» aux deux séjours imaginaires que Jean-Pierre Brazs entend documenter. «Mercredi 23 décembre. Je suis arrivé dans l'île ce matin», dit le premier cartel d'Andata Ritorno. Cette fois, nous y sommes vraiment. L'artiste va à la fois peindre et dépeindre les lieux. Il entreprendra même d'expliquer les choses avec des figures géométriques complexes. Il prendra bien sûr des photos, elles aussi fictives. Bref. Il donnera un maximum de traces, supposées véridiques, de l'île mystérieuse. Tout cela au long de deux séjours passée en résidence d'artiste, le premier en 2015 et le second deux ans plus tard.

Le grand dessin mural, qui occupe le mur du fond.  ©Andata Ritorno

Un brasseur d'idées

On pourrait gloser à l'infini sur l’œuvre totale et ses origines. «Jean-Pierre Brazs porte bien son nom. Il brasse depuis plusieurs années», explique le galeriste Joseph Farine. «Il est le brasseur qui fouille la terre et les eaux d'un territoire.» A 72 ans, l'artiste agit en archéologue. En cartographe. En routard aussi, même si l'îlot n'apparaît pas bien vaste. Il en est encore l'écrivain voyageur qui reviendrait chargé de ses croquis et ses notes, reconstruisant plus tard chez lui son monde à l'aide des «reliques recueillies». Avec quelque chose de secret et de souterrain en arrière-fond. «Hypo» donne bien l'idée de la chose du dessous. Ce qu'il importe par conséquent de révéler.

Tout cela se traduit physiquement par un grand dessin mural. Des textes. Des photos. Des peintures sur du verre brisé. Des dessins. Il y a même les pages d'un ancien traité de géométrie que Jean-Pierre Brazs (pseudonyme de Jean-Pierre Lavigne) a revisité de son pinceau aquarellé. Normal. C'est après tout une histoire d'eau. Nous sommes ici en plein Déluge. Restera-t-il encore longtemps des îles, même imaginaires?

Pratique

«L'hypothèse de l'île», de Jean-Pierre Brazs, galerie Andata Ritorno, 37, rue du Stand, Genève, jusqu'au 6 avril. Tél. 078 882 84 39, site www.andataritornolab.ch. Ouvert du mercredi au samedi de 14h à 18h. Le livre, qui contient 48 pages, a paru aux Editions Notari.

 

Paru dans Bilan.ch le 21 mars 2019

 

Etienne Dumont