photo Clovis Duran

Où en sommes-nous avec le droit des artistes ?

par Rosa Brux
27 novembre 2018

Etat des lieux sur les différentes initiatives et revendications suisses pour faire évoluer de manière concrète les conditions de travail des artistes.

Pour l'élaboration d'un projet de convention à l'utilisation des artistes et des institutions.

Retranscription de la rencontre
« Où en sommes-nous avec le droit des artistes ? »

le 26 septembre 2018 à l’espace Le Commun, Genève, dans le cadre de l’exposition Essayer encore. Rater encore. Rater mieux organisée par Rosa Brux avec le soutien d’Hélène Mariéthoz et de Lab-of-arts.

Intervenant·e·s :

Rosa Brux

Collectif d’artistes porté par Clovis Duran, Jeanne Gillard et Nicolas Rivet.

Hélène Mariéthoz

Curatrice indépendante.

Yaniv Benhamou

Avocat de Lab-of-arts, association visant à promouvoir la création via la fourniture de services juridiques aux artistes sous forme de permanence juridique. Les avocat·e·s de la permanence sont : Joëlle Becker, Yaniv Benhamou, Marc Rossier, Zoé Seiler.

Thierry Apothéloz

Conseiller d’État chargé de la cohésion sociale.

Tiphanie Blanc

Curatrice indépendante basée à Bruxelles et Genève représentante de Wages For Wages Against, campagne commencée en mars 2017 revendiquant le paiement systématique de cachets aux artistes et travailleur·euse·s de l’art produisant des projets dans les institutions à but non-lucratif en Suisse.

Samuel Schellenberg

Journaliste culturel au Courrier, il a mené en 2018 une enquête auprès d’une vingtaine d’institutions suisses sur les conditions de travail des artistes en pointant notamment la question de leur rémunération.

Virginie Keller

Cheffe du service culturel de la Ville de Genève.

Olivier Kaeser

Directeur du Centre culturel suisse de Paris, il y a notamment accueilli la première version de l’exposition Essayer encore, rater encore, rater mieux en 2018. Il a travaillé avec de nombreux artistes dans le champ des arts visuels, mais aussi dans ceux de la performance, de la musique, du théâtre ou de la danse.

Patrick Gosatti

Patrick Gosatti, responsable Arts Visuels, expose les réflexions de Pro Helvetia sur les questions autour de la rémunération des artistes.

Discussion

Clovis Duran

Bonsoir, ça nous fait très plaisir de vous voir aussi nombreux dans un lieu assez particulier pour une table ronde, au sein d’une exposition, Essayer encore. Rater encore. Rater mieux qui montre des militants et des acteurs culturels qui ont lutté à Genève pour améliorer leur condition de travail et leur statut. Nous espérons que la discussion de ce soir s’inscrive dans cette continuité. Alors, sans plus attendre, je vais laisser la parole à Hélène Mariéthoz, curatrice indépendante qui présentera le fil de la soirée et les différent.e.s intervenant.e.s.

Hélène Mariéthoz

Bonsoir, à mon tour de présenter Clovis Duran: membre de Rosa Brux, il a organisé avec Jeanne Gillard et Nicolas Rivet, autres membres du collectif, et avec Lab-of-arts une permanence juridique gratuite à l’espace Forde pendant le printemps. C’est à cette occasion qu’est née l’idée de cette rencontre publique. Si nous sommes réunis et nombreux – j’apprécie la variété du public qui signifie qu’artistes, enseignants, politiques, avocats et institutions s’intéressent à la question des droits des artistes, y travaillent probablement déjà – c’est l’occasion de mettre ensemble le résultat de nos pensées et nos actions et évaluer comment continuer ensemble.

Concernant le déroulement de la soirée: six prises de parole sont prévues, qui débutent avec un retour sur la permanence juridique par Yaniv Benhamou, un des quatre avocats de Lab-of-Arts avant l’arrivée du Conseiller d’État, Thierry Apothéloz qui nous rejoindra pour détailler la position du Canton. Tiphanie Blanc donnera le point de vue des artistes de son association actifs pour implanter Wage en Suisse. Ensuite, Samuel Schellenberg, journaliste au Courrier, fera un état des lieux à partir de l’enquête qu’il a réalisée en Suisse auprès de plusieurs institutions, pour savoir quels sont les contrats que les institutions passent avec les artistes. La Ville de Genève, représentée par Virginie Keller, exposera ce que la Ville met déjà en place. Olivier Kaeser, directeur du Centre culturel suisse présentera son expérience et nous fera un point de situation avec des éclairages de France. Enfin, Patrick Gosatti pour Pro Helvetia dira les actions de la Confédération pour les artistes sur ces questions.

Yaniv Benhamou

Merci beaucoup, bonjour à toutes et à tous, je suis avocat mais je vous rassure, même si les avocats aiment parler beaucoup, j’ai 10 minutes et c’est dans les 10 minutes imparties que je vais tenter de situer l’approche que nous avons avec Lab-of-arts et le projet en question. L’idée aujourd’hui est de dresser un bilan de la permanence juridique des artistes qui a eu lieu à Forde de janvier à juin 2018. Avant de dresser le bilan, j’aimerais dire quelques mots sur le contexte et le but de l’association. Lab-of-Arts, association fondée en 2016, regroupe quatre avocats et des artistes. Son but est de promouvoir la création sous toutes ses formes, notamment par la fourniture de services juridiques via la mise en place d’une permanence juridique. Le but est également de faire des événements, des conférences et autres plateformes visant à informer les artistes et encourager ainsi la création.

Pour mettre en place la permanence juridique nous sommes partis des constats suivants :

1 Les artistes sont sous-informés de leurs droits, mal informés de certains volets juridiques ou ne savent pas à quelle porte frapper pour avoir accès à la justice.

2 Il existe déjà des initiatives permettant aux artistes d’accéder à des services juridiques: Visarte et sa hotline, des sociétés de gestion comme ProLitteris et SUISA et la Permanence de l’Ordre des avocats à Genève. Mais ces permanences sont soit spécifiques au domaine visuel, Visarte, musical, SUISA ou littéraire, ProLitteris, soit générales (permanence de l’Ordre des avocats).

L’idée de Lab-of-arts est donc de mettre en place une permanence juridique spécialisée en droit de l’art et de conseiller les artistes sur leurs droits et obligations de manière transversale, toute discipline confondue. Il peut s’agir de questions de bail, de droits du travail face à l’employeur ou l’institution qui mandate l’artiste, ou encore de questions plus générales de collaboration avec les autres artistes, ou même de fiscalité. La permanence a lieu deux fois par mois à la galerie Forde et est gratuite pour les membres (cotisation annuelle de 20.- ).

Venons-en au bilan de ces six mois. Question logistique, Rosa Brux nous a aidés à contacter et accueillir les artistes. C’était intéressant parce que d’un côté, il y avait la permanence à huis clos pour garantir la confidentialité avec les avocats, et derrière la porte de la galerie Forde, les Rosa Brux accueillaient les artistes où des débats commençaient à s’animer autour de différentes questions, avec un côté un peu plus informel. Forde a fourni les locaux, une imprimante, un bureau et des chaises, j’en profite pour remercier vivement Rosa Brux et Forde pour leur engagement et leur motivation.

S’agissant du fond, l’expérience a été particulièrement positive puisque même sans faire beaucoup de promotion, les visiteurs étaient nombreux, certains faisant même le déplacement de Fribourg ou de Neuchâtel. Et puis les questions étaient variées voire urgentes, on sentait qu’il y avait un réel besoin de réponses. En 6 mois, nous avons obtenu 12 permanences et avons accueilli environ 35 artistes. En termes de disciplines artistiques, il y a eu au départ beaucoup d’artistes visuels, sans doute grâce à la communication faite par Rosa Brux et à leur réseau. Mais ensuite, davantage de disciplines sont apparues, la musique, la composition et même la danse et la performance. En termes de répartition de sujets juridiques, on a observé les tendances suivantes :

– 40 % droit d’auteur, propriété intellectuelle, en particulier les questions de savoir si les artistes pouvaient s’inspirer d’autres artistes mais également l’inverse: si l’artiste pouvait être copié et ce qu’il pouvait faire en cas de plagiat. Deux exemples : le cas d’un artiste qui avait reçu commande d’une entreprise pour faire le mobilier d’un grand bureau dans le cadre d’un appel d’offres. Six mois après, le bureau a réalisé le mobilier sans contacter l’artiste, ni même le créditer. Un exemple d’artiste interrogeant la possibilité de s’inspirer des autres : que doit faire un artiste désireux de reprendre les dessins d’une marque commerciale.

  • –  40 % de collaboration avec des tiers, que ce soit collaboration sous forme de droit du travail, sous forme d’association, offre sur commande ou même mandat. Pour un exemple de rapport de travail, je pense à un artiste qui a été engagé par une école qui l’a ensuite licencié, parce que l’art qu’il réalisait en parallèle à son travail d’enseignement ne correspondait pas à certains critères moraux. Pour un autre exemple de mandat, on évoquera les questions de rémunération: une curatrice travaillait davantage que ce qui était prévu initialement dans le contrat. Ou encore : comment les artistes s’organisent entre eux : est-ce que c’est une association, une société simple, est-ce que l’association peut salarier un artiste membre du comité.

  • –  Pour terminer 20 % de questions générales, pour lesquelles le but a été de rassurer l’artiste. Comment organiser sa comptabilité, s’assurer que son site internet est protégé ou peut s’inspirer des autres, comment réaliser des factures, les questions d’assurance sociale et de fiscalité en tant qu’indépendant.

    Lab-of-arts offre donc une approche transversale, fournit des conseils gratuits dans toutes les disciplines, limitée au droit suisse. Des artistes très mobiles, venus des arts vivants, des musiciens, n’ont pas trouvé réponse à leur question qui dépassait le droit suisse par exemple.

    Pour conclure, nous dressons un bilan positif: la permanence juridique gratuite pour les artistes a révélé un réel besoin. Nous n’avons pour l’instant pas identifié de besoins spécifiques prioritaires. Si les besoins sont par ailleurs transversaux dans le sens où ils concernent toutes les disciplines artistiques, on peut tout de même les classer en deux types :

1 Il s’agit de questions de fond avec des litiges à la clé, des cas de droits d’auteur ou de droit du travail typiques, pour lesquels l’artiste souhaite connaître ses droits et ses moyens pour traiter le litige.

2 Des questions générales et des préoccupations légitimes, qui demandent des réponses rassurantes sur ces points juridiques.

Pour finir, j’ai le plaisir de vous informer que la permanence se poursuivra les six prochains mois un lundi de 19 h à 21 h. Voir le site labofarts.com. Je profite de cette tribune pour indiquer que nous sommes preneurs de toute suggestion et point à développer. Nous appelons volontiers tout avocat dans cette salle s’il y en a, ou toute autre personne intéressée à renforcer notre équipe et invitons les politiques à se rapprocher de nous et de Rosa Brux pour poursuivre nos efforts et lancer des projets.

Quant à la question de rémunération et de salaire, nous l’avons vue une ou deux fois c’est en principe une question de droit du contrat, droit du travail ou autre. Nous ne pouvons donc conclure pour l’instant qu’il s’agit d’une question juridique prioritaire, certainement est-ce davantage une question politique.

Hélène Mariéthoz

Merci, nous accueillons M. le Conseiller d’État Thierry Apothéloz, qui présente la position du canton sur les droits des artistes.

Thierry Apothéloz

Mesdames et Messieurs, j’aimerais d’emblée vous remercier énormément de votre présence nombreuse ce soir ici au Commun pour non seulement établir ce bilan, que j’ai rapidement compris comme étant très positif, remercier également de m’avoir invité et de vous adresser quelques mots à cette occasion, tant il est vrai que le nouveau département, celui de la cohésion sociale, de la culture et du sport est l’occasion pour moi de m’y investir pleinement avec beaucoup de passion mais également aussi beaucoup d’enjeux pour lesquels j’aimerais pouvoir avec des partenaires, le canton et les communes, au premier rang desquels la Ville de Genève trouver un certain nombre de réponses.

À la question en effet du droit, du droit des artistes en particulier, on peut admettre toutes et tous que c’est une question complexe, sinon nous ne serions certainement pas ici aussi nombreux. Par droit, on comprend, évidemment, d’abord, la question du statut. C’est-à-dire que la place que nous laissons aux artistes dans notre société et la manière dont ils investissent eux-mêmes la place. Par droit, aussi, on évoque la question de la rémunération. C’est-à-dire au fond combien vaut, aux yeux des politiques, des curateurs, du public, ou encore de la société, le travail de celles et ceux qui aujourd’hui, demain sont des artistes. Par droit enfin nous sommes dans l’obligation, et c’est à juste titre, de comprendre cette question de droit autour de la prévoyance et de l’accompagnement des carrières. C’est-à-dire au fond de savoir si la société et les politiques sont prêts à investir pour soutenir financièrement des artistes et leur assurer des conditions de vie dignes. Poser ces questions, Mesdames et Messieurs, c’est élaborer aussi un certain nombre de pistes de solutions, qui peuvent être... tranchantes parfois. Suivant évidemment à qui vous les adressez.

À ceux qui voudraient étatiser les artistes, les avoir sous la main, pouvoir les contrôler, éviter qu’ils interpellent le monde politique, éviter qu’ils causent en dehors d’un sérail, les avoir ainsi à leur botte, ces artistes d’état, comme au bon vieux temps des dictatures. Celles et ceux au contraire qui voudraient s’en débarrasser, les jeter ainsi dans les seuls bras des investisseurs privés, richissimes et qui estiment qu’au fond la culture ce n’est pas régalien, une tâche régalienne de l’État mais l’affaire des privés. Au-delà et vous l’aurez compris de la caricature de ces deux positions, il faut être conscient et je le partage que de poser la question du droit des artistes, c’est aussi peut-être, prendre le risque, d’aller ou de se faire aller dans un sens opposé ou parallèle à ce que nous souhaiterions.

Je connais la majorité du parlement, je connais la fragilité de certains conseils municipaux, on va donc faire en sorte que les questions et les réponses, doivent être partagées. Mais soyez bien assurés d’une chose, c’est qu’à Genève tant au niveau du canton qu’au niveau de la Ville, dont je salue la responsable du service culturel, la question du statut des artistes et du soutien politique à la culture est une réalité, elle doit être renforcée, valorisée, questionnée, au travers de toutes les lois, y compris cette fameuse LRT, loi sur la répartition des tâches et il y a évidemment le temps de cette question de tâche, pour moi une question plus essentielle, qui va bientôt se pointer au Grand Conseil est celui de l’initiative 167 pour une politique culturelle coordonnée. Il s’agit là vous l’aurez compris dans mon propos de dépasser la double répartition des tâches entre les communes et Canton, une redistribution des finances publiques et de parler accès à la culture, de permettre encore et toujours le geste artistique, ce qui compte le plus au-delà de ces calculs, c’est la place que nous souhaitons donner, nous les politiques au premier rang desquels je suis, de donner une place à la culture qui soit une place vraie avec des horizons et des perspectives, pour nous permettre justement d’être dans un dispositif de formation, de création, de diffusion, de rayonnement, et tout ceci en étant en capacité de pouvoir le faire financièrement.

Vous le savez toutes et tous, la production culturelle ne s’écoule pas dans un marché ordinaire, au même titre que celui d’un biscuit, d’un vin ou d’une voiture, cela à mon sens a pour but de nous anoblir en nous aidant à penser ou à repenser le monde dans lequel nous sommes aujourd’hui et demain. Nous avons donc des enjeux conséquents entre les communes et le Canton et je ne peux pas rester sourd aux revendications légitimes des artistes qui étaient évidemment à l’ordre du jour ce soir. Notez également que nous ne sommes pas non plus spectateurs de cette thématique, le Canton s’engage, à fond, quand il le peut, là où il le peut, parfois en poussant des portes parfois ce sont des portes qui s’ouvrent et si je devais donner un seul exemple de la façon dont le Canton a entrepris la question de la rémunération des auteurs dans le domaine du livre, on peut saluer la volonté que nous avons eue et que le Salon du livre a désormais suivie, de rémunérer des auteur.e.s qui sont présent.e.s au Salon du livre. Cela a été une décision importante de la part de la Fondation pour l’écrit d’assurer une rémunération correcte à ses auteur.e.s ; cela a fait beaucoup jaser apparemment, y compris en dehors de nos frontières. Je peux donc ici m’assurer que l’étape suivante auquel nous souhaiterions la Ville de Genève et le département de la cohésion sociale concerne la question de la prévoyance professionnelle, et nous aurons pour cela tout début octobre une rencontre pour nous permettre d’avancer sur ce terrain. Enfin, j’aimerais terminer par remercier le collectif Lab-of-arts qui par le soutien extrêmement précieux, dans un monde de plus en plus juridique, de nous libérer de ces contraintes juridiques pour créer pleinement dans une vie culturelle riche. Très belle soirée, merci beaucoup de votre présence nombreuse.

Hélène Mariéthoz

Merci M. le Conseiller d’État, l’intérêt et le soutien de l’État sur les questions de statuts et types de rémunération que vous avez exposés, nous permettent d’enchaîner sur la nature de cette rémunération. Est-ce une rétribution sous forme de cachet, est-ce une intermittence, un statut d’indépendant ? Je donne la parole à Tiphanie Blanc.

Tiphanie Blanc

Bonsoir, je parle ce soir au nom du collectif Wages For Wages Against que nous avons fondé il y a maintenant un an et qui a pour but, de revendiquer ou de demander en tout cas une rémunération systématique des artistes par les institutions à but non lucratif en Suisse. Il y a une urgence que nous avons expérimentée en tant qu’individus, et nous souhaitons que ces revendications deviennent publiques.

Notre objectif est de réduire les inégalités, que ce soit de revenus mais aussi de représentation, dans le domaine de l’art, en permettant l’accès aux études artistiques, à la création en général, à des personnes qui ne peuvent pas se permettre de travailler gratuitement. Depuis un an, nous avons agi à différents niveaux, avec du matériel de campagne, par l’organisation de débat, de workshops, à travers des invitations reçues de la part d’institutions en Suisse et à l’étranger. Nous sommes intervenus au Centre culturel suisse, à la Kunsthalle de Zürich à la Kunsthalle de Bâle, au sein de la Head à Genève et en octobre prochain au Sandberg Institute à Amsterdam.

Nous avons entendu de la plupart des artistes qu’ils ne se sentent pas autorisés à demander à être payés, parce que ce n’est pas normal pour eux de le faire. Certains même ne pensent pas devoir le faire. Une de nos premières manières d’agir a donc été de libérer le dialogue et la parole, afin de permettre une prise de conscience collective et que les artistes puissent se sentir autorisés à entrer en négociation avec les institutions qui les sollicitent. Nous avons constaté que ça fonctionne, beaucoup d’artistes avec qui nous avons pu discuter osent maintenant demander à être payés, et souvent le sont.

En ce qui concerne les résistances avec certains artistes, elles émanent principalement d’une minorité de personnes souvent bien représentées par le marché de l’art et n’estiment donc pas avoir à repenser un modèle qui pour eux fonctionne.

Le second point de résistance vient bien sûr des institutions, qui dans la plupart des cas disent ne pas pouvoir aider les artistes, faute de moyens. Elles avancent souvent l’argument que payer les artistes signifie réduire les budgets de production des expositions. Que dans ce cas, il appartient à l’artiste de choisir ou non d’être payé, celui- ci faisant souvent le choix de renoncer à la rémunération pour permettre la production de nouvelles œuvres, et à l’exposition de se faire dans les bonnes conditions. Avec notre collectif, nous pensons que c’est une manière de ne pas poser réellement la question de la rémunération. A nos yeux, la question de rémunération doit être comme pour toute autre ligne budgétaire calculée en amont et séparément du budget de production.

Le troisième point de résistance vient des institutions subventionnées par la Ville, les communes ou Cantons en Suisse, qui n’ont pas l’obligation de payer les artistes, contrairement à différents pays en Europe, comme au Pays-Bas où aujourd’hui le fond Mondrian ne donne plus d’argent aux institutions sans que celles-ci garantissent de payer les artistes. Enfin, nous remarquons que quand il s’agit de demander des aides à la production, les artistes ne sont pas ou peu incités à y inscrire leur rémunération.

Donc une de nos demandes, c’est que les autorités publiques et les fondations établissent de nouvelles directives pour demander aux lieux et festivals subventionnés de prévoir et justifier des rémunérations versées aux artistes. On constate que depuis un an les choses bougent : il y a beaucoup de presse, la fondation Pro Helvetia affirme aujourd’hui que c’est un des sujets prioritaires pour eux. Contrairement à un an en arrière, nous n’avons plus la nécessité d’expliquer pourquoi les artistes doivent être payés et de nombreuses initiatives collectives et individuelles dans le sens du droit des artistes ont vu le jour comme nous le prouve ce soir cette table ronde.

Pour le futur, nous pensons qu’il ne suffit plus qu’une institution prétende payer les artistes pour que le problème soit réglé. Qu’il s’agisse des recommandations de l’association Visarte ou des montants proposés par les institutions on entend des montants comme 300, 500, 1’000 ou 5’000. On pense que ceux-ci sont arbitraires, ne correspondent à aucun barème précis et ne garantissent toujours pas aux artistes un salaire minimum pour vivre. De plus, il s’agit dans la plupart des cas de montants bruts, ne comprenant aucune cotisation. Les artistes doivent donc inventer différents systèmes pour pouvoir déclarer leurs revenus, depuis le statut d’indépendant qui conçoit l’artiste en autoentrepreneur, jusqu’à la création de structures associatives, comme Morris Mendi, à Genève qui, en échange d’un prélèvement d’un pourcentage sur les sommes reçues, s’occupe des démarches administratives et des versements des cotisations pour les artistes.

Contrairement aux spectacles vivants, il n’existe à ce jour aucun statut légal pour les artistes visuels. Ils doivent, dans la plupart des cas, combiner plusieurs jobs pour pouvoir financer leurs pratiques, la location d’un atelier, l’achat de matériel, la mobilité qu’on leur demande, l’adaptabilité de leur emploi du temps etc. La réalité en Suisse aujourd’hui selon des études récentes, est que la moitié des artistes gagnent moins de 10’000 francs par an avec leur pratique artistique, et seulement environ un quart gagne plus de 25’000 francs. Seul 1 % des artistes réalisent un revenu supérieur à 100’000 francs par an et 20 % des artistes prétendent pouvoir vivre de leur art. Cette réalité est d’autant plus frappante qu’on parle d’un des pays les plus riches au monde, et où l’investissement dans la culture et les arts visuels en particulier est très important. Nous sommes en face d’une économie dysfonctionnelle et créatrice de fortes disparités.

Avec Wages For Wages Against, nous avons l’ambition et la volonté d’approfondir ces questions, en concertation avec les artistes, les institutions et les pouvoirs publics afin que des solutions soient discutées et trouvées.

Hélène Mariéthoz

Je crois que Tiphanie a convaincu en soulevant toutes les questions qui sont loin d’être simples, concernant le statut, le type de rétribution, les cotisations et in fine le statut de l’artiste. Est-ce que des institutions appliquent des grilles de rétribution, c’est le sujet de l’enquête menée cet été par Samuel Schellenberg du Courrier.

Samuel Schellenberg

Je vais surtout revenir sur une enquête qu’on avait publiée en mars dernier qui rebondissait sur un article de 2017, à l’occasion d’une soirée de discussion sur la thématique des honoraires à la Kunsthalle de Berne. Cet article avait eu beaucoup de succès en ligne sur notre site, révélant que le sujet intéressait au-delà des personnes qui avaient assisté à cette soirée. On a souhaité réaliser une sorte d’échelle des vœux, connaître quelles sont les institutions en Suisse qui paient les artistes, pas simplement un remboursement de frais, ni une aide à la production, mais vraiment un honoraire pour les expositions, performances ou conférences faites dans l’institution.

Pour ce faire, nous avons envoyé un questionnaire avec les mêmes 5–6 questions à une vingtaine d’institutions. Les premières réponses fusent dans la demi-heure (c’est toujours en général les personnes qui ont de bonnes nouvelles à nous annoncer qui répondent le plus vite!). Il a fallu relancer la plupart des autres pour avoir des informations. Avec une première surprise au moment de dépouiller ces résultats : les Kunsthalle, les premières ont décidé de faire le pas – et pas des moindres – puisqu’on mentionnait le Centre d’art contemporain, la Kunsthalle de Berne et celle de Bâle – les deux Kunsthalle suisses les plus anciennes, l’une fêtait ses 100 ans, l’autre a plus de 140 ans – avec des budgets annuels de 1 à 2,5 millions de francs. Ensuite Fri Art, Forde, le CAN à Neuchâtel etc.

Pour moi, c’était une surprise, parce qu’à l’exception de la Kunsthalle de Berne je constatais qu’en quelques mois, la situation avait complètement changé. Des institutions s’étaient décidées. Au niveau des grandes institutions, obtenir des informations restait compliqué : à part la Kunsthalle de Zürich qui de temps en temps paie des honoraires, c’est l’absence totale de réponse reçue notamment du Kunstmuseum de Berne, de Bâle, du Mamco etc. On me disait par exemple que le directeur était absent, n’avait vraiment pas le temps (mais on sait que le jour d’après il a quand même donné une interview d’une page à la tribune de Genève) etc. Donc c’était assez compliqué d’obtenir des réponses, et ne pas en donner a représenté une information.

Ce qui m’a étonné aussi dans les réponses reçues c’est qu’aucune des institutions contactées n’a assumé la position qui avait cours jusqu’ici : « bon ben il y a un échange, les artistes viennent chez nous, nous, on met à disposition un espace, on paie une partie de la production des œuvres, on met à disposition notre personnel etc., et l’artiste peut avoir une ligne de plus dans son CV etc. » Ce discours n’est plus exprimé ouvertement pour la presse. Je pense que c’est une information intéressante. À part le Musée d’art et d’histoire de Genève, où le directeur argue que « Non, non on ne paie pas, parce que de toute façon les artistes veulent venir chez nous. » Alors que le Centre d’art doit payer ses artistes, sinon ils ne veulent pas y exposer ? [rires]. C’est d’autant plus intéressant que l’artiste que le directeur cité en exemple était Georges Adéagbo, ce qui était un mauvais exemple puisque cet artiste était en l’occurrence invité par Art for the World qui l’avait rémunéré.

Je rejoins Tiphanie Blanc sur le constat qu’il y a une sorte de masse critique, une sorte de bouleversement dans la prise de parole de la part des artistes pour revendiquer une rémunération. Le fait qu’il y ait ces institutions importantes, qui affirment qu’ils paient ces rémunérations va peut-être faire en sorte qu’il y ait relativement rapidement un changement de paradigme qui pourrait avoir lieu en Suisse.

Hélène Mariéthoz

« Il faudrait obliger les institutions à établir des règles de rémunération», demandait Tiphanie Blanc, Samuel Schellenberg confirme que certaines le font. Qu’en est-il de la Ville de Genève ? une réflexion dans ce sens est-elle en cours, Virginie Keller ?

Virginie Keller

Merci Hélène, bonsoir à tous et toutes. Je vous transmets les salutations du Maire de la Ville, Sami Kanaan, en charge de la culture et du sport. Depuis le début de son mandat, le magistrat est extrêmement actif et préoccupé par les questions du statut social de l’artiste, ce qui a amené le service culturel à travailler aussi bien sur la question de la prévoyance sociale, que sur la question de la représentation des femmes au sein des institutions genevoises, que dans les soutiens aux artistes. Quand on est artiste, il faut souvent être désiré, être choisi, être engagé, on ne sait pas pour combien d’argent, ni si on ose demander un salaire. Ce sont des questions très importantes qui mettent finalement les artistes hommes et femmes dans des situations de fragilité et les rendent vulnérables.

Pour reprendre ce que disait Yaniv Benhamou, je crois que la question du statut social est tout à fait transversale, elle n’est pas seulement liée aux arts visuels et se pose dans tous les arts, et c’est toujours intéressant de voir ce qui se passe à côté où parfois l’herbe est plus verte. Je pense aux arts de la scène qui sont organisés depuis 1957 avec le Syndicat Suisse Romands des Spectacles (SSRS). Ce syndicat a travaillé à l’élaboration de conventions collectives pour les domaines du théâtre et de la danse en Suisse romande et a créé une caisse de prévoyance qui permet d’affilier les artistes dès le premier franc. La plupart des institutions subventionnées y sont affiliées. Ce sont des domaines dans lesquels il est plus facile de se mettre autour de la table et d’élaborer des règles communes et de négocier une convention collective car les employeurs sont plus stables et les durées de contrats plus clairement déterminées.

Lors de l’octroi de subvention ou d’une convention, la Ville de Genève demande le respect de la convention collective quand elle existe. Cette phrase existe aussi dans les conventions qui nous lient à des centres d’art, musées, institutions musicales. Il est vrai que pour beaucoup de domaines, il n’y a pas de CC. En musique par exemple, il y a des pratiques usuelles que nous encourageons, et que nous vérifions pour les structures qui n’ont pas de conventions collectives.

Le statut d’artiste en Suisse n’existe pas, le statut d’intermittent non plus ; un accord a été négocié au Conseil Fédéral pour que les deux premiers mois de travail comptent double, ce qui permet de faciliter un tout petit peu pour les droits au chômage.

Pour en revenir au domaine qui nous intéresse ce soir –l’art contemporain– nous avons beaucoup travaillé sur la question de la prévoyance sociale. Parce que dans la loi sur la culture de 2013 votée par le parlement genevois, était inscrit un article sur le paiement de la LPP dès le premier franc, demandée par les associations artistiques partenaires. Toutefois, la question de la rémunération est devenue très forte depuis le changement de la loi sur le chômage en Suisse qui a précarisé énormément d’artistes. D’où l’urgence de traiter aujourd’hui la question de la rémunération. Nous avons bien reçu le tract nous interpellant sur l’absence de rémunération aux candidat.e.s des Bourses et appelant à signer une pétition. Historiquement les artistes venaient, installaient leur pièce et on leur mettait les murs à disposition. Petit à petit se sont ajoutées l’assistance technique, la communication et l’augmentation progressive de 3’000 à 10’000 francs pour les bourses. La question a été étudiée avec le magistrat et vous avez tout à fait raison, on peut se poser la question d’exposer des artistes confirmés sans leur donner un forfait pour le travail effectué puisque seuls trois d’entre eux reçoivent la bourse. Le Département de la culture et du sport est conscient que cette pratique doit évoluer et nous vous invitons à en discuter pour mieux faire l’année prochaine.

Sur la question de la rémunération dans le domaine des arts visuels, en l’absence de convention collective, on pourrait travailler à partir des propositions de Visarte. On pourrait intégrer des montants, à condition que cela soit largement soutenu par la profession. Des montants minimums pour les institutions qu’on subventionne sont envisageables et à discuter avec les institutions concernées. En ce qui concerne les soutiens apportés directement par le service culturel aux artistes visuels, la Ville offre un soutien en nature sous forme d’ateliers ; des bourses, des soutiens au projet, procède à des acquisitions dans la collection, où les honoraires sont compris ; pour une commande publique les honoraires sont également compris à hauteur de 20 – 30 % du budget global. Quant au soutien à la création, les artistes doivent remplir un formulaire où est prévue une ligne « honoraires ». Après analyse de 40 de ces demandes récentes avec ma collègue Michèle Freiburghaus, responsable de l’art contemporain au service culturel et directrice du FMAC, les honoraires demandés vont de 360 à 35’000 francs. Aujourd’hui, la Ville traite ces dossiers avec une commission d’expert.e.s qui prend en compte la rétribution demandée.

On n’a aucune grille, aucun critère pour évaluer le coût du travail de l’artiste visuel, comme on ne l’a pas pour le travail des écrivains ni des compositeurs.trices. Les collectivités publiques sont très empruntées pour évaluer ce que vaut leur travail. Nous sommes en train de lancer une étude avec la haute école de Genève et le Canton à laquelle nous voulons associer le SSRS, Action intermittent.e.s et la Fédération romande des arts de la scène. D’autres secteurs artistiques pourraient être associés. Cette étude vise à créer un document qui mettrait en valeur l’emploi généré par les soutiens publics dans la culture.

Concernant la rémunération dans les arts visuels, l’enjeu sera notamment de définir comment on évalue le coût du travail : est-ce du forfait, est-ce en fonction du nombre de public comme le propose Visarte, est-ce en fonction de la durée du travail, ou de la durée de l’exposition? Paie-t-on la même chose un·e jeune artiste qui sort de l’école ou un·e artiste confirmé·e ?

Je vais conclure en précisant qu’il n’y a pas besoin de passer par une pétition pour qu’on se mette autour de la table et qu’on commence à travailler. Les questions que vous posez nous intéressent. Depuis 2016 déjà, nous les avions soulevées grâce à Séverin Guelpa. Il faut que les directions des institutions soient autour de la table car elles sont en première ligne, mais nous aussi, collectivités publiques, avons à clarifier le cadre et à veiller ensuite à son application.

Hélène Mariéthoz

Merci Virginie, on a beaucoup à faire en effet, alors on a de la chance à Genève de pouvoir collaborer avec les autorités. C’est vrai qu’il y a ce travail sur la convention collective à faire, il y a les communes aussi qui ont leurs propres institutions, et les fondations privées... Alors comment fédérer encore et intéresser tout le monde à cette question-là pour rendre les choses harmonieuses? Peut-être l’expérience d’Olivier Kaeser et les expériences faites en France peuvent nous éclairer.

Olivier Kaeser, Patrick Gosatti, Hélène Mariéthoz

Olivier Kaeser

Merci Hélène et merci à Rosa Brux pour l’invitation. Au Centre culturel suisse, nous avons accueilli ce printemps la première version de cette exposition dans une petite salle de 40 mètres carrés, ici c’est 400 mètres carrés alors ce n’est pas tout à fait 10 fois plus grand, mais c’est beaucoup plus impressionnant et ça nous permet de nous réunir ce soir autour de cette question. Alors bravo à Rosa Brux.

En quelques mots, je vais parler de mon expérience au sein du Centre culturel suisse mais aussi d’avant, de quand j’étais jeune curateur dans ce bâtiment, au Centre d’art contemporain, puis à l’espace indépendant Attitudes, de 1994 à 2008. Dans tous ces rôles, mon action et ma priorité a toujours été de faire le maximum en faveur des artistes. Je suis donc évidemment favorable à donner aux artistes les meilleurs moyens pour travailler. Mais dans le détail, qu’est-ce que ça veut dire? Il faut aussi dire que les choses ont évolué et continuent d’évoluer: cette discussion aurait été inimaginable il y a cinq ans.

Dans le monde de l’art, tout le monde a besoin de tout le monde : artistes, institutions, critiques, commissaires, galeries, collectionneurs, écoles, journalistes et j’en passe, on a tous besoin des autres. Essayons donc de composer ensemble. Je suis étonné de voir à quel point l’institution devient le gros méchant, parce que personnellement les gens de musées et d’institutions qui m’ont formé, même si je n’ai pas travaillé avec eux mais avec qui j’ai discuté et qui m’ont inspiré, sont tous des gens qui se sont énormément battus pour leur institution, pour la place de l’artiste dans l’institution et dans la société. Il faut le rappeler.

Donc quand on parle de la situation des artistes, je voudrais élargir un peu, parce qu’il y a deux autres rôles qui font aussi partie de ces rôles peu payés ou mal payés ou pas payés, ce sont les commissaires et les critiques. Il y a bien évidemment des artistes qui sont aussi commissaires, aussi critiques, mais je pense que parmi les gens qui sont là, il y a des gens qui ont fait des textes gratuitement, des gens qui ont dû se battre bec et ongles pour avoir une centaine de francs pour un commissariat d’exposition, je les mets sur le même plan.

Mon rôle de curateur, je l’envisage comme celui d’un interlocuteur. Avec les années, je me suis rendu compte que finalement l’artiste a un besoin fondamental – évidemment il a aussi besoin de sous – mais il a aussi un besoin fondamental de discuter, et pas forcément avec ses copains étudiants de la même école. Et ce rôle d’interlocuteur, ça veut dire parler de tout, et en ça, c’est très différent de la manière de travailler dans les arts vivants où il y a plusieurs interlocuteurs pour un même projet. Dans le champ des arts visuels, avec l’artiste on parle de concept, du projet, du travail, de l’évolution, du changement, de la logistique, des finances, des transports, du logement, des assurances, même de son statut d’artiste, même parfois des aspects de la vie personnelle.

Donc tout ça c’est un accompagnement qui est vraiment global, et en fait on est ce soir dans une discussion très technique: il y a des politiciens, des juristes, et c’est très bien qu’on arrive là-dessus, mais j’aimerais quand même rappeler des mots-clés. Pour moi, un des mots-clés fondamentaux c’est la confiance, c’est-à- dire que quand je m’intéresse à un artiste c’est pour en savoir plus sur son travail, il y a un rapport de confiance essentiel au début qui se nourrit au fur et à mesure de l’avancement du projet. Souvent ce soir on entend «il faut légiférer, il faut des règles ». Oui, certainement, pour faire avancer les choses, mais n’oublions pas que sans la confiance, on ne fait pas grand-chose et que jusqu’à maintenant le système de l’art contemporain a beaucoup fonctionné là-dessus.

L’institution paraît dans les propos de certains comme le grand méchant, mais on a en tant que responsable institutionnel, la responsabilité du budget, et franchement diriger une institution, c’est se battre tous les jours comme des bêtes pour que l’institution existe à tous les niveaux et qu’elle soit nourrie par les œuvres qui sont produites par les artistes. Alors maintenant, venons à cette question de la rémunération, il se trouve que le Centre culturel suisse est une institution pluridisciplinaire, et nous avons fait le choix de rémunérer tous les artistes selon le même barème : musiciens, acteurs, metteurs en scène, chorégraphes, danseurs, techniciens. Après, je parle de proposition, puisque tout se négocie. Ce n’est pas vite fait et on n’en discute plus, il y a beaucoup de discussions actives, pour la littérature, les auteurs, les traducteurs, les critiques sont payés, et dans le champ des arts plastiques, un performeur est payé, un artiste est payé quand on montre ses vidéos dans un programme, les projets in situ, c’est-à-dire éphémères, sont payés quand le projet naît et meurt sur place. Ils ne le sont pas quand on utilise des œuvres existantes.

Dans le cas des expositions, nous produisons et nous coproduisons, donc avant l’expo l’œuvre n’existe pas, et après elle existe. Souvent on détermine un budget et – que vous soyez artistes, ou autres rôles dans les arts vous avez certainement vécu ces situations – certaines choses se déterminent à la dernière minute: les artistes deviennent de plus en plus exigeants et demandent beaucoup, beaucoup, beaucoup, et au fer à mesure des derniers jours du montage, il faut encore un truc technique, un projecteur spécial et ça, c’est évidemment pris sur les divers et imprévus qu’on anticipe, mais si systématiquement on mettait des honoraires au tout début, ce serait très difficile de répondre à ces demandes qui viennent des artistes en cours de préparation d’un projet. Donc là, il y a une zone que nous préférons discuter de cas à cas et où il paraît difficile d’établir des barèmes précis. Au CCSP, il y a deux salles : une grande et une petite. Devrait-on établir un barème au mètre carré ? Par rapport à la notoriété ? Et si c’est la notoriété, paie-t-on davantage les plus les connus ou ne devrait-on pas plus payer les inconnus ? C’est là que les questions d’ouverture et de confiance sont essentielles. Pour terminer, comme le Centre culturel suisse est situé à Paris, j’ai rassemblé des informations sur ce qu’il se passe en France. J’ai contacté des musées, des centres d’art et des FRAC. Les plus avancés sont les centres d’art par l’intermédiaire de D.C.A., association française de développement des centres d’art, qui fédère 50 centres labélisés. Ils sont en train de rédiger une charte de bonnes pratiques dont la finalisation devrait paraître avant la fin 2018, m’a annoncé la Secrétaire générale avant-hier. Cela consiste à réaliser des grilles de rémunération pour les artistes, inspirées par le Canada et les USA. Cette charte n’aura pas de valeur contraignante, mais comme son nom l’indique, de «bonnes pratiques», c’est-à-dire que chacun peut adapter les articles de cette charte selon ses disponibilités budgétaires. Pour les FRAC, la rémunération des artistes est aussi un sujet chaud: une des priorités annoncée par le ministère de la culture dans le SODAVI - schéma d’orientation et de développement des arts visuels - porté par les réseaux arts visuels fédérés par l’État est d’établir un barème de rémunération harmonisé. Le terme espéré est plus lent que pour les centres d’art, autour de 2020.

Un directeur de Frac m’indiquait aussi qu’aux Rencontres de la photographie à Arles, cette année – je n’ai pas vérifié, donc je vous donne cette information brute -, il y avait eu une décision d’établir une rémunération à 500 euros par artiste, parce que la direction, en concertation avec les artistes, considérait que les artistes avaient plus besoin d’aide à la production que de rémunération, donc ils ont joué le jeu de la rémunération mais avec un chiffre relativement bas et unitaire, et ils ont gardé de l’argent pour la production.

J’ai interrogé trois directeurs de musées, (je souligne que j’ai contacté 7 personnes un dimanche matin, dont 4 m’ont répondu le jour même. Ça veut dire que les responsables d’institutions bossent... Plus sérieusement, c’est que c’est un sujet chaud.) Donc par exemple, au Musée de Rennes, on me dit que pour des expositions d’art contemporain des critères sont établis pour essayer de payer chaque fois que l’artiste se déplace pour installer une pièce. Il s’agit de petits montants, 100 euros, 200, 300, 400 etc. selon le temps que ça lui prend. Pour le centre Pompidou Metz et la Biennale de Lyon 2018, les honoraires sont surtout dévolus aux artistes qui réalisent de grosses installations éphémères qui prennent beaucoup de temps en conception et en organisation, et pour lesquelles l’artiste repart avec aucune œuvre matérielle. Évidemment il faudrait creuser plus en détail tous ces témoignages pris à chaud.

Hélène Mariéthoz

Merci! Il semble qu’après la piste de la convention collective qui est adressée aux artistes et aux acteurs de l’art, on a ici une deuxième piste de travail pour réaliser une charte avec les institutions, inspirée de celle en cours de réalisation en France peut- être allons-nous en découvrir une troisième que nous présente Patrick Gosatti, Pro Helvetia.

Olivier Kaeser, Patrick Gosatti

Patrick Gosatti

Bonsoir, merci pour l’invitation. Au nom de Pro Helvetia, on est très contents de participer à cette table ronde, c’est effectivement une question qui nous tient à cœur et que nous prenons très au sérieux. Une thématique complexe qui soulève des questions non seulement en ce qui concernelarémunération des artistes, mais tout ce qui touche aux droits des artistes au sens large.On la prend au sérieux parce que c’est une question urgente et très importante. On a déjà entendu ce soir quelques-unes des thématiques que l’on peut aborder : quel type de barème est-il possible d’imposer/proposer ? Sont-ils suffisants pour l’artiste pour vivre en tant que travailleur indépendant ou est-ce plutôt à l’artiste de définir quels sont ses nécessités et ses besoins réels ?

En ce qui nous concerne, Pro Helvetia mène une réflexion très approfondie sur la question. Comment sensibiliser et proposer à des institutions de soutenir ou de rémunérer les artistes? Des questions qui se posent aussi dans le cadre de la production, mais aussi de leur diffusion. Nous menons aussi desdiscussions et des échanges avec les villes et cantons dans ce sens.

Malgré la complexité de la question, l’attitude de Pro Helvetia à cet égard est assez simple et s’exprime à travers l’équation : travail = rémunération. Dans n’importe quelle strate de notre société au niveau économique, le travail est et doit être payé. Évidemment les questions sont liées ici à un système auxquels participent non seulement des artistes et des institutions, mais également les critiques, auteurs, commissaires indépendants assistants, stagiaires et ainsi de suite. Ces questions touchent également au statut social, économique et légal de l’artiste, avec toutes les questions relatives aux charges sociales, plans de retraites, procédures de ventes, et même droit de succession.

Notre attitude est clairement de sensibilisation de tous les acteurs artistiques. Par nos contacts avec les professionnels de ce système, c’est évident que notre travail, notre intention est de soulever le débat, d’y participer, de l’activer, l’accueillir et en même temps évidemment, de prendre en considération les conséquences impliquées dans les changements proposés. Je pense aux propositions de rémunération de Visarte, Comment les rendre efficaces à travers un travail de sensibilisation et de mise en place ? Mais il ne s’agit pas seulement de sensibilisation, nous mettons en place une praxis comme exemple dans le cadre des aides à la création, nous avons conçu et mis en place en octobre 2016 un instrument de soutien qui respecte l’honoraire mentionné dans la requête par l’artiste. Les charges sociales sont calculées sur la base de ce qu’il mentionne et les parts de l’employeurs sont versées par Pro Helvetia. Cela nous a menés à une réflexion autour du barème et sur les nécessités des artistes.

Hélène Mariéthoz

Merci, au terme des présentations des intervenants, je propose de passer à vos prises de paroles, à vos prises de positions, à vos réactions...

Virginie Keller

Je souhaite apporter un petit complément: j’avais l’air de parler de cette convention collective dans le domaine des arts de la scène comme étant la loi suprême il faut quand même savoir qu’il y a beaucoup d’artistes qui créent et qui ne paient pas à la convention collective y compris dans les arts de la scène, comme vous le savez quand on fait budget pour une production, vous allez faire vos recherches de fonds et au bout du compte souvent vous n’avez pas toutes les sommes que vous deviez avoir et si l’artiste hésite entre ne pas créer ou créer à moindre coût il va créer toujours, toujours. On a beau lui dire non mais là ce n’est pas des conditions, il va toujours créer parce que c’est son métier, donc autant l’idée de la charte est intéressante, mais ce qui est intéressant c’est de commencer quelque part, d’avoir un cadre, de dire, de l’inscrire et d’avoir un objectif et au moins que les artistes soient décomplexés pour penser à ces montants-là, se positionner, les mettre dans les budgets. Après la vie d’artiste, c’est que souvent on ne trouvera pas les moyens qu’on voulait au départ pour faire l’œuvre et là se pose la question : « est-ce que, si on n’est pas payés selon la convention collective, on arrête de travailler ? »

Muriel Décaillet

Je pose ma question pour le Centre culturel suisse puisque c’est une institution : quelle est la marge de manœuvre de l’artiste pour demander un salaire? Parce qu’il y a un moment où le contrat va être signé et s’il n’y a pas une rémunération définie, est-ce qu’on s’attend à ce que ce soit l’artiste qui demande? Comment l’institution reçoit cette demande ?

Olivier Kaeser

Dans le domaine des arts vivants, c’est très clair, il y a toujours échange. Donc nous proposons ce qu’on paie habituellement c’est-à-dire 400 chf par personne par soir, ça c’est le tarif de base pour les trois disciplines, danse théâtre musique, y compris les techniciens, et si on a des contre-propositions de la compagnie on négocie.

Il faut préciser qu’avec l’artiste visuel on parle de tout et pour les autres disciplines on parle d’abord avec le chorégraphe, le metteur en scène ou les musiciens puis avec les administrateurs, puis avec les tourneurs, puis les techniciens. C’est beaucoup plus morcelé. Dans le cas de l’artiste visuel qui demanderait un salaire, là je pourrais répondre très clairement : même avant le Centre culturel suisse j’ai dû travailler avec, à peu près, près de 500 artistes en 27 ans d’activité curatoriale, avec évidemment des grandes différences, parce que quand on était à Attitudes, vous vous souvenez, on avait zéro franc donc on a commencé par payer pour travailler, et après 14 ans on est arrivés à une masse de budget annuel d’environ 450’000 chf, on trouvait en même temps qu’on préparait les projets, donc quand on contactait un artiste on disait on t’invite, on aimerait faire ça, mais on ne sait pas combien de budget on aura, donc là il n’y a personne qui nous a demandé un salaire parce que c’était une autre époque, c’était la préhistoire c’était 1994 à 2008, jamais personne nous a demandé un salaire parce qu’ils comprenaient dans quel contexte nous travaillions. Au Centre culturel suisse, sur la centaine d’artistes du domaine des arts visuels avec qui nous avons travaillé, deux ou trois nous ont demandés si on payait des honoraires. On a dit non et expliqué pourquoi. Tous les autres à qui on a payé, c’était nous qui venions en disant voilà pour telles prestations, projets, on peut imaginer tant et après on en discute. Pour de grandes installations qui prennent 6 semaines de montage et 6-8 mois de gestation, ce sont évidemment plusieurs milliers de francs. Dans les deux ou trois cas, deux c’était clair, le troisième était quelqu’un de plus connu dans les arts vivants et qu’une fois on a montré sa pièce dans une exposition, elle ne nous a rien demandé et une autre fois on a montré sa pièce dans une expo avec une performance d’elle et elle nous a demandé des honoraires. Donc dans les deux cas sur une centaine où on a dit non, il n’y a eu aucun problème. La première fois que ça a été thématisé, problématisé, ça a été après proposition de Rosa Brux et on a accueilli cette première table ronde au Centre culturel suisse.

Richard Le Quellec

Je suis impliqué dans différents projets dont Ressources Urbaines et la BIG biennale. On a beaucoup parlé de Visarte et j’ai l’impression que c’est un peu les grands absents. Sont-ils impliqués et quelles étaient les relations que vous avez avec eux pour la préparation de cet événement ?

Thierry Feuz

Merci Richard et je m’excuse, je suis arrivé un petit peu en retard en effet ce soir, c’était prévu que je représente le comité central de Visarte. Visarte qui est l’association professionnelle des artistes suisses qui compte environ 2400 membres a été fondé par Ferdinand Hodler et ses amis et défend les droits et les besoins des artistes. Comme j’arrive en retard je ne sais pas où vous en êtes avec la discussion j’ai entendu Visarte a édité un fascicule de rémunération des honoraires des artistes. Et dans ce fascicule vous avez aussi un calculateur des honoraires des artistes ? Donc si vous allez sur le site de visarte.ch vous trouvez le fascicule et le Honorarrechner comme on dit en allemand, c’est le calculateur d’honoraires, vous tapez un chiffre et ça vous donne les charges sociales, le budget etc.

Pour répondre à Richard Le Quellec, Visarte défend les artistes, c’est sa première mission, Visarte a 24 groupes dans toute la suisse, environ presque un groupe par canton, Genève n’est pas le plus actif, j’en profite pour vous le dire même s’il a 180 membres contrairement par exemple au canton de Vaud ou certains cantons de suisse alémanique, Visarte défend aussi le droit de suite.

Pierre Schaefer

Pierre Schaefer et Béatrice Deslarzes de la fondation Bea pour Jeunes Artistes. Nous, on a reçu il y a peu de temps une demande de soutien à une jeune galerie qui va ouvrir le mois prochain ici à Genève. Ils nous demandent de donner notre soutien pour rémunérer artistes qui vont être exposés, et nous pensons du fait qu’on soutient des tout jeunes artistes, c’est peut-être la seule façon qu’ils retrouvent quelque part un peu d’argent pour progresser. On a dit oui. Et c’est ça qui est important. Aujourd’hui on discute, on discute, mais il faut commencer! Et il faut le faire et dire oui, allons-y ensemble. Si les jeunes de cette galerie et s’ils ont envie de s’exprimer, j’espère qu’ils nous diront comment ils gèrent cet argent qu’ils vont recevoir...

Thomas Schunke

Bonsoir, je m’appelle Thomas Schunke, je suis artiste pluridisciplinaire. Je voulais mentionner dans toute cette discussion, car on ne l’a pas mentionné une fois, que c’est quand même très lié au système politique qui règne, cette question du statut social et de la rémunération des artistes. Nous on vit de plus en plus dans un monde néolibéral et je pense que c’est lié au sujet. Si on imagine l’économie sociale comme dans les années 60, je pense typiquement comme Fluxus, ou il n’y a pas de production pas de vente, c’est presque plus possible aujourd’hui, pourquoi ? Parce qu’à cette époque, il y avait encore des mécènes, des collectionneurs qui subventionnaient un travail artistique sans produit par exemple.

Aujourd’hui les collectionneurs sont morts, il y a de moins en moins d’acheteurs, et la jeune génération néolibérale et capitaliste n’achète plus ou veut du street art. Il est vraiment temps de réfléchir aussi pour les artistes visuels sur un système d’intermittence comme dans le spectacle vivant.

Je pense d’un point de vue politique, si je prends moi par exemple comme je fonctionne, j’ai un travail d’enseignement qui ne suffit pas pour vivre, un travail artistico-social qui ne suffit pas pour vivre et un travail artistique qui ne suffit pas pour vivre. Cela veut dire que je dois jongler, et que 9 mois par année je suis à l’assistance sociale. Le problème est aussi un problème administratif et juridique. Dans mon cas, tant qu’il existait un revenu minimum cantonal, ça me permettait d’avoir un système un peu comme les intermittents du spectacle. J’avais le droit de gagner jusqu’à un certain montant sans que ça pose un problème. Mais on a aboli ce système-là, et je dois être assisté. Avant j’avais le droit de gagner 500 francs, maintenant plus rien. Il y a vraiment des choses très concrètes dans la politique et dans l’administration sur lesquels il faudrait discuter, dont nous sommes les victimes.

Pierre Leguillon

Bonsoir, Pierre Leguillon, je suis artiste et également enseignant à la HEAD. Je voudrais poser une question finalement qui est tournée vers les institutions. Puisque, la question qui nous occupe – il y a eu de temps à autre une confusion – ce n’est pas tant la rémunération de la création parce que c’est quelque chose qu’on ne peut pas évaluer (ce serait comme se poser la question du prix d’une peinture, du temps qu’elle met à être faite etc. ou la création d’un opéra) ce n’est pas le sujet qui nous occupe, c’est la rémunération du travail dont nous parlons. En tant qu’artiste la plupart du temps, je travaille pour une exposition personnelle juste à l’accrochage autant que tous les monteurs, que le curateur, que le directeur de musée et que les médiateurs à qui on doit transmettre tout un tas d’informations, que le service de presse, je constate que ce qui change beaucoup avec les années, c’est le nombre de personnes qui travaillent autour de nous et toutes les demandes qui nous sont adressées et auxquelles on doit répondre, et qui ne font pas partie de la création. C’est vraiment autre chose. Donc ce travail, la plupart du temps, nous sommes les seuls dans toute cette organisation à ne pas être payés pour le faire. Tout le monde est salarié et nous, nous ne sommes pas payés. Peut-être un jour on considérera que ce travail aura une valeur et on sera payé. En attendant ça ne nous fait pas manger.

Donc ça, c’est une question, et la deuxième question, et c’est pour ça qu’elle s’adresse aux institutions : Nous parlons d’argent public - quand un collectionneur décide d’aider un artiste c’est une tout autre question -, et quand il y a un budget d’exposition pour un artiste on est suffisamment responsable pour savoir quel est le montant de ce budget. C’est ce qu’on m’a dit au MAMCO : je toucherai cet honoraire s’il reste de l’argent sur le budget. Mais le budget je ne l’ai jamais eu. Au WIELS à Bruxelles j’ai dit que je voulais évidemment des honoraires, j’étais en permanence dans l’exposition pendant deux mois, et on m’a dit voilà ce budget c’est tant, et si tu veux des honoraires déjà on les retire de ce budget. Par contre, on n’a pas le droit de dire « je ne veux pas de publicité dans la presse, je ne veux pas de ceci ou de cela puisque ce sont des budgets affectés. » En tant qu’artiste, on a très peu de marge de manœuvre sur le budget global de l’exposition.

Et par rapport à cette question de travail puisqu’il a été question de la différence avec le spectacle vivant, j’ai eu la chance d’être invité par des théâtres ou des lieux dédiés au spectacle vivant. Non seulement on est payé quand on joue mais on est aussi payé quand on répète. Et donc une ou deux journées de répétition ne sont pas payées la même chose que le soir du spectacle, mais ce temps est considéré comme du travail, et tout le monde, les éclairagistes, les décorateurs, qui vous voulez, sont payés pendant ce temps. Donc tout ça relève simplement du bon sens, si on veut accepter que l’argent public, l’argent public dépensé, doive obéir, et il me semble que c’est normal, à une forme de transparence.

Clovis Duran

Merci à toutes et tous pour ces prises de parole. La discussion peut se poursuivre de manière informelle. Nous vous transmettrons le rapport de cette soirée qui servira de point de départ et de réflexion pour nos prochaines rencontres autour de chaque sujet abordé.

Jeanne Gillard

Et en complément, pour engager la suite: en montant cette exposition on s’est rendu compte qu’il n’y avait pas de petites luttes, ce qui nous donne beaucoup d’espoir sur le droit des artistes.