Carole Benzaken

by Nafsika Guerry-Karamaounas
15 janvier 2019

Là-bas...Toi  à la Galerie Nathalie Obadia, Paris 

On se trouve d’abord Là-bas, titre de l'exposition de Carole Benzaken à la Galerie Natalie Obadia, 18 rue du Bourg-Tibourg dans le Marais. Puis il y a Toi, titre de l’exposition de la même artiste, simultanément au 3 rue du Cloître Saint-Merri, 75004 Paris.

 

Là-bas 

De grandes toiles peintes sont accrochées, des couleurs plus ou moins vives. Elles sont directement reprises d’un film de champ d’oliviers. La captation a été prise par l’artiste alors qu’elle était dans un bus en marche. Par la suite, l’artiste a fait un arrêt sur image ayant « dérapé » nous confie-t-elle. L’image est devenue photographie puis peinture. Le mouvement est au cœur de l’exposition. Bien qu’il y ait cette impression de passage, puisque l’engin duquel ont été filmés les oliviers était en marche, le geste de la peinture est lent et vient ralentir la vitesse suggérée.

En fait, nous dit l’artiste, « j’aime prendre le temps ». C’est comme s’il y avait alors un temps pour tout, un temps pour cette photographie, un temps pour la peinture et enfin le temps de la contemplation dans cet espace où sont accrochées les toiles. Les tableaux incarnent, indiciblement, ces temps multiples. Toutefois, une autre temporalité est bien visible, celle de l’arrêt : le spectateur, en balayant les toiles de gauche à droite est obligé de s’arrêter, le tableau étant strié. Ces bandes  apparaissent ici comme un frein et en même temps comme une continuité car le visiteur reprend la lecture de plus belle. La peinture est finalement comme un chemin dans lequel il y aurait des étapes et sur lequel on aurait plaisir à marcher, à découvrir, à contempler. Là-bas marque un engagement fort, une réaction au surplus d’images dont nous sommes tous aujourd’hui victimes. Un monde où tout file, où l’image est à la fois reine mais naufragée, noyée dans le flot.

Tout au long de la visite, Carole Benzaken nous parle de ses toiles, elle fait de grands gestes, elle rit. L’artiste est incarnée et solaire. On ressent très fortement que ses tableaux ne sont pas uniquement des tableaux qu’elle a voulu peindre un jour, ils sont une partie d’elle. L’artiste transmet. 

En l’écoutant, on comprend qu’elle aime l’infini, qu’elle apprécie « digérer » les images, les ralentir, ce qui est une forme de résistance au diktat de nos jours où l’on se doit constamment d’être là au bon moment. Elle rajoutera que le déroulé du temps est une obsession pour elle.

Certaines des toiles rappellent très clairement et de façon tout à fait assumée, les Nymphéas de Monet, pas tant dans le détail ou la couleur mais plutôt dans cette quête du temps, du paisible. La lumière, parfois elle aussi, suggère la référence au maître, différents tons lumineux sont donnés aux toiles de Carole Benzaken, différentes couches, l’infinie variation du motif est une autre référence certaine de Monet.
L’ensemble des tableaux dans les deux expositions a été dédié aux espaces de la Galerie Nathalie Obadia dans le Marais à Paris. La création est datée de 2018.

Toi

La seconde exposition pose sans doute une question proche de la première, comment discerner au mieux les formes, comment capter, adapter notre œil, notre position face à la lumière, à l’obscurité. 

Ici, on doit sans cesse se déplacer, s’approcher, s’éloigner pour trouver le meilleur angle, adapter notre nerf rétinien, lui donner la position la plus confortable. L’artiste joue et nous offre la possibilité de prendre un peu de temps face à ces tableaux. 

L’ode au temps chez Nathalie Obadia est un beau parcours, d’un espace à un autre.

 

Carole Benzaken, née en 1964 à Grenoble, est une artiste peintre contemporaine qui vit et travaille à Paris. Lauréate du Prix Marcel Duchamp 2004.

Pratique : Carole Benzaken à la Galerie Nathalie Obadia jusqu’au 23 février 2019.