Colette Barbier, Fondation Ricard

par Nafsika Guerry-Karamaounas
19 décembre 2019

La fondation d’entreprise Ricard donne carte blanche à Charlotte Laubard pour l'exposition "Etudes sur l'empatie" avec des artistes issus de la HEAD.

La Fondation Ricard est reconnue pour avoir une identité forte et propre.

Pourriez-vous nous la décrire en quelques mots, vous qui en êtes la fondatrice et la directrice ?

La fondation d’entreprise Ricard se veut défricheuse, en alerte, attentive à toutes les formes d’émergence dans le champ des arts visuels mais aussi celui des idées qui agitent la scène artistique et notre société en général. Elle est aussi un lieu ouvert, sans chapelle.

La Fondation Ricard est une fondation française qui encourage et promeut la scène artistique française, mais elle mène également des actions internationales comme votre récent partenariat avec la curatrice Charlotte Laubard. 

Comment vous est-venue l’idée de cette exposition - Etudes sur l’empathie? Connaissiez-vous l’artiste Eva Zornio ? Est-ce une carte blanche que vous avez donnée à Charlotte Laubard ? 

Nous avons accueilli par le passé plusieurs projets de Charlotte Laubard et lui avions confié le commissariat d’un des Prix Ricard (« Incipit », 2006). Charlotte fait partie de ces personnalités qui vont toujours de l’avant et multiplient les angles d’approche (la direction du Capc de Bordeaux, la Nuit Blanche, le Pavillon suisse, les Nouveaux Commanditaires ou la direction du département des arts visuels de la Head-Genève). Depuis quelques années, elle s’intéresse à la question de l’agentivité des œuvres d’art, à la façon dont elles nous affectent et au rôle que celles-ci peuvent jouer dans l’espace social. C’est aussi le sens de la recherche passionnante que mène l’artiste Eva Zornio qui a donné le la de cette exposition. 

La Fondation entretient par ailleurs des liens étroits avec les écoles d’art qu’elle considère comme l’un des acteurs clés de la création, le lieu où se fomentent les scènes artistiques et les relations intergénérationnelles fécondes et il nous a donc semblé tout naturel de nous associer à ce projet qui met en scène des jeunes diplômés de la Head.

Selon vous, l’image est-elle liée à l’émotion ? 

Le philosophe Peter Szendy, maître de conférences à Paris Nanterre et grand observateur des pratiques contemporaines s’est intéressé dans l’un de ses derniers livres (Le supermarché du visible, essai d’iconomie) à ce que Walter Benjamin, dès 1929, décrivait comme un « espace chargé à cent pour cent d’images » et donc à la marchandisation des images et des affects. Evidemment, les communicants sont de fins manipulateurs du sens caché des images mais les artistes sont sans doute les mieux placés pour activer le script caché des images qui nous environnent.

Colette Barbier à la Fondation Ricard, ©Poly

Pensez-vous que nous nous identifions de façon systématique aux œuvres d’art ? 

On sait que certaines œuvres suscitent du rejet, du dégout ou ne se laisse pas conquérir au premier coup d’œil. Disons qu’elles ne cherchent pas nécessairement l’adhésion du regardeur, mais plutôt à l’interpeller, à le faire réfléchir et à faire un pas de côté.

L’art est-il empathique ? Eprouve-t-il le besoin de l’être ? 

L’art sous-tend une relation, un échange et c’est Duchamp qui le dit le premier avec sa célèbre formule : « c’est le regardeur qui fait l’œuvre ».

L’empathie, la convivialité, le vivre ensemble, sont autant de valeurs qui se perdent aujourd’hui, y compris dans le milieu artistique. Comment les maintenir au sein de votre Fondation, dans le milieu de l’art à l’heure où tout tend à l’individualisation ? 

Ce sont des valeurs fondamentales pour la Fondation qui cherche à fédérer les publics, les amateurs d’art, les différentes écoles et les familles qui coexistent au sein de la scène artistique. Elles sont indissociables de notre fonctionnement. 

Pourquoi la Fondation s’intéresse-t-elle principalement aux jeunes (moins de quarante ans) ? 

Longtemps, ces jeunes artistes ont manqué cruellement de soutien à la sortie des écoles d’art, et c’est tout naturellement que nous nous sommes tournés vers eux. Aujourd’hui, les choses ont changé ; aussi, nous ne nous interdisons pas de montrer des artistes dont la visibilité est trop confidentielle, eu égard à leur fantastique travail comme ce sera le cas avec Nina Childress que nous exposerons en janvier à l’occasion d’un solo show.

Comment le paysage artistique français se place-t-il face à l’international ? 

La vocation première de notre Fondation est de soutenir la jeune scène artistique en France.  Lui donner les moyens de travailler, de s’exprimer, de faire connaître ses créations. En un peu plus de vingt ans, nous avons atteint cet objectif et notre Fondation est aujourd’hui reconnue comme un des acteurs importants de la scène française d’art contemporain.  Mais l’art contemporain est désormais mondialisé. Des jeunes artistes, des idées neuves, de nouvelles formes d’expression apparaissent chaque jour, partout dans le monde. Nous voulons donner à notre Fondation et aux artistes que nous soutenons les moyens de rayonner à l’international.

Pourriez-vous nous parler de quelques projets à venir de la Fondation?

La fondation Ricard va déménager dans quelques mois au sein d’un nouveau bâtiment près de la gare Saint-Lazare qui est la deuxième gare la plus fréquentée d’Europe. Sur ce nouveau site satellisé en plusieurs espaces et plusieurs fonctions (des salles d’exposition, un amphithéâtre, un espace dédié à la performance et un café-librairie) nous souhaitons poursuivre et amplifier notre programme d’expositions et de rencontres, accentuer notre soutien sans faille à la jeune scène française tout en développant la dimension internationale de la Fondation.

Pratique

Etudes sur l'empathie, Eva Zornio

curatrice : Charlotte Laubard / artistes : Lou Cohen, Pauline Coquart, Deborah Joyce Holman, Lauren Huret, Juliet Dounia Lakhdari, Anne Le Troter, Douna Lim & Theo Pesso, Thomas Liu Le Lann, Marie Mottaz, Vanessa Safavi, Davide-Christelle Sanvee, Galaxia Wang, Eva Zornio

Fondation Ricard, Paris

12 rue Boissy d’Anglas – 75008 Paris ­– 1er étage

du mardi au samedi de 11h à 19h

métro Concorde ou Madeleine

https://www.fondation-entreprise-ricard.com

 

 

 

 

 

Jusqu'au 25 janvier 2020