Patricia Kaersenshout, The soul of salt, 2016 Photo Wolfgang Traeger

Les Expos de l'été V : Manifesta 12

par L'Art à Genève
19 juillet 2018

À Palerme, Manifesta interroge le « jardin planétaire »

Près d’une cinquantaine de participants, trois parcours principaux, et une ville comme lieu d’exposition. La douzième édition de Manifesta, biennale européenne d’art nomade, a investi Palerme en juin 2018. La cité sicilienne s’y révèle plus envoûtante que jamais. 

Lungiswa Gqunta - Lituation, 2018 © Isabella Paghera (IFM)

« Le Jardin planétaire : cultiver la coexistence », thème principal et intitulé de l’exposition, emprunté au botaniste français Gilles Clément qui, en 1997, a décrit le monde comme un « jardin planétaire » dont le jardinier serait l’humanité, se décline dans trois sections principales : Garden of flows, Out of control room et City on stage. Les lieux d’exposition disséminés dans tous les quartiers correspondent à la volonté d’interroger le monde dans ses dimensions historiques, politiques, sociales. 

Minelli Filipo © Wolfgang Traeger

Le dialogue entre la créativité et les enjeux contemporains au cœur des différents quartiers palermitains fait écho à la métaphore du botaniste qui décrit un monde où les espèces et les essences sont interconnectées. La variété des formes et des contenus participe de cet esprit nomade et explorateur. Photographies, installations, sculptures, vidéo, art paysager, performances, et aussi, concerts, conférences, ateliers l’art est partout qui invite à regarder, écouter, expérimenter. La rue, la cour d’un palais du XVIIIe siècle, l’immeuble d’un quartier populaire, sur la promenade qui longe la plage, l’étonnement peut surgir n’importe où. Ce qui prévaut et anime la plupart des œuvres conçues et présentées dans le cadre de la manifestation, ce sont la vision et l’engagement des artistes. Leurs créations mêlant nature et culture interrogent, incitent autant à la réflexion qu’elles peuvent étonner. 

The Body’s Kader Attia, Legacies. The Post-Colonial Body, 2018  Untitled, 2018 Video, sculpture

La migration, l’environnement, la science, la mémoire, l’esclavage, la toxicité, le climat, l’ère digitale, ce jardin planétaire aborde des sujets ardus. Pour autant l’objectif est bien de « cultiver la coexistence ». L’artiste italien Filippo Minelli a réuni différents drapeaux fabriqués par des performeurs en provenance du monde entier. Ici le drapeau crée un lien, raconte une histoire personnelle, il n’est plus le symbole d’une nation et d’un peuple. Le Collectif Peng ! présente sa vidéo intitulée « Fluchthelfer.in. Become an Escape Agent ». La campagne lancée en décembre 2015 suggère aux vacanciers de retour en Allemagne de prendre avec eux des réfugiés dans leur voiture. Le collectif fait référence aux Fluchthelfer, ces agents qui aidaient les gens à fuir l’Allemagne de l’Est. Le collectif rappelle que la liberté de circulation est un droit fondamental en Europe. La vidéo informe sur la façon de participer à cette action tout en réduisant le risque légal encouru, et communique sur la campagne de crowdfunding qui a été lancée à l’époque. Entre activisme et performance. Kader Attia interroge le corps social, le passé colonial. Dans son film « The Body’s Legacies. The Post-Colonial Body » (2018), l’artiste interviewe quatre descendants d’esclaves ou d’une population colonisée. Il est aussi question de l’affaire Théo Luhaka, jeune homme blessé lors d’une interpellation en février 2017. Attia présente aussi une sculpture : un morceau de bois traversé par une fissures maintenue par des agrafes métalliques, représentation de la fragilité humaine…

À Palerme, la douzième édition de Manifesta ne pouvait trouver lieu plus propice à l’échange, à la contemplation et à la réflexion. A voir jusqu'au 4 novembre 2018.

http://m12.manifesta.org