Camila Salame

par Nafsika Guerry
23 mai 2019

Camila Salame expose dans le cadre du Parcours Saint-Germain-des-Prés à Paris

Cette année vous exposez dans le cadre du Parcours Saint-Germain-des-Prés. Comment avez-vous connu le Parcours Saint-Germain ?

Je me promène souvent dans ce quartier parisien et j’ai eu l’occasion de voir l’édition précédente. Je suis ravie d’avoir été invitée à participer à cette nouvelle édition autour des fleurs.

Que représente le Parcours Saint-Germain pour un artiste ?

Pour une jeune artiste émergente comme moi, le Parcours Saint Germain représente une très belle opportunité de donner de la visibilité à des œuvres qui sont souvent dans des espaces consacrés à l’art contemporain comme les galeries et les expositions dans des lieux artistiques. Le fait d’être présentées dans lieux emblématiques tels que les boutiques de luxe et dans un quartier emprunt d’histoire, permet aux œuvres de jeunes artistes d’atteindre le regard de nouvelles personnes ainsi que celui des  habitués des lieux d’art contemporain.  C’est aussi une invitation à créer un dialogue entre la création artistique et un autre type de création qui est celle de la mode et du luxe pour laquelle l’art a toujours été une source d'inspiration.

Cette année le thème du Parcours est la fleur de l'art. La fleur fait-elle écho à votre travail ?

Dans mon travail les fleurs sont présentes de différentes manières. Dans ma série de sculptures, Maisons Perdues, Romances du Retour, plusieurs pièces sont composées avec des éléments naturels pour évoquer d’une part la fragilité de la maison comme un espace mental, un lieu de mémoire essentielle et intime, et d’autre part, le fait que les premières architectures humaines furent construites à partir d’éléments naturels. Les bourgeons des roses de Damas, les pétales de Statice aussi appelés Lavande de Mer, qui ne perd jamais sa couleur, ou bien aussi de la cire d’abeille produite grâce au pollen des fleurs et récupérée de la ruche, sont des matériaux qui rappellent la temporalité de la nature et la beauté éphémère comme celle des fleurs.

Dans Florilegio, herbier de plantes natives des montagnes de Bogotá ma ville d’origine, les fleurs constituent mon paysage émotionnel originel. Choisies et dessinées à l’aquarelle puis imprimées sur papier, chacune des plantes florales représentées sont des espèces fragilisées par la destruction de l’environnementt naturel des montagnes de la capitale colombienne. Cette œuvre préserve symboliquement ces fleurs. L’usage du papier peint, matériau de mémoire domestique, me permet de me réapproprier une géographie d’affect.

Pourquoi avoir choisi les pétales comme matériau pour cette sculpture ?

J’ai un très fort attachement aux fleurs. Quand je choisi d’en utiliser une en particulier c’est souvent lié à un souvenir. Immortelle est faite avec des pétales de Statice. J’ai découvert cette fleur grâce à ma mère qui l’avait toujours dans ses arrangements de fleures sèches dans ma maison d’enfance. Somnambule est une pièce faite avec des pétales de bleuet. J’ai remarqué ces petites fleurs bleues dans les thés verts parfumés que je bois au quotidien, peut-être trop de fois que cela m’empêche de m'endormir le soir. 

Les pétales des fleurs sont d’une grande beauté et d’une extrême fragilité. J’aime beaucoup utiliser des matériaux qui réunissent ces deux aspects ainsi qu’une dimension symbolique ou rituelle dans mes œuvres. Petit coin de soleil par exemple est une pièce travaillée à la feuille d’or constituée de feuilles de chêne et de petites branches que j’ai recueilli lors d’une de mes promenades en forêt. L’utilisation de l’or me permet de donner un statut  précieux et permanent à ce qui est n’est pas pérenne.

La maison est récurrente dans vos œuvres. Pourquoi ? Que signifie-t-elle pour vous ? Qu’en est-il du toit, dans la société actuelle ?

Bien que dans mon travail la maison prend une forme physique, la maison que je cherche à évoquer est un endroit mental, une architecture intime, un refuge de réminiscence constitué par nos souvenirs. C’est un lieu rêvé qui peut réveiller un sentiment de nostalgie pour un endroit perdu dans lequel on ne peut pas retourner. La maison définie ainsi, est une partie constitutive de notre identité.

Au centre de l'expérience mobile et transculturelle de la migration se trouvent la maison et la quête d’un toit, un sentiment de protection dans la société actuelle. Le déplacement et le déracinement sont des expériences communes aux émigrés de tous temps. Déstabilisantes, elles offrent une chance de retracer son passé, sa tradition, son vécu et sa mémoire. Peu importent les circonstances de départ vers le pays d'accueil – volontaires ou forcées, quitter une maison physique crée en nous une absence qui nous fait prendre conscience de notre attachement à celle-ci et à son architecture fragile.

Vous êtes née en Colombie. Aujourd’hui vous travaillez entre Paris, Bogotà et Beyrouth. Où se trouve l’endroit que vous considérez comme votre maison et pourquoi ?

La Colombie, mon pays d’origine, est une source importance d’inspiration. J’y ai vécu toute mon enfance, période de ma vie qui m’a beaucoup marquée. La nature exubérante et l’histoire colombienne bien que très marquée par la violence dégage une sorte de beauté chaotique à laquelle je serai toujours attachée.

Beyrouth est une ville que j’ai tout d’abord imaginée grâce aux histoires transmises par mes grands-parents paternels et que je rêvais de découvrir. J’y ai reconnecté avec mes origines libanaises et en reconstruisant mon archéologie de famille, j’ai pu comprendre des aspects importants de mon identité mélangée. C’est à Beyrouth que j’exposé par la première fois en dehors de la Colombie.

Paris est la ville que j’ai choisie pour vivre. C’est une ville qui m’inspire sans cesse.

Je me suis déracinée pour prendre une racine propre ici. J’ai appris le français très jeune, j’avais une certaine fascination pour la France qui est née lors de mes premiers cours d’histoire de l’art à l’école. J’y suis venue plus tard pour faire mes études. Située entre Bogota et Beyrouth, Paris est mon « terrain d'entente »

Impossible d'en choisir une, j’emporte ces trois maisons avec moi.

Vous exposez à la boutique Dinh Van. Qu’est-ce que cela représente pour vous que d’exposer dans un lieu autre qu’une galerie ?

Je suis ravie d’exposer mon travail dans la Boutique Dihn Van de Saint-Germain. L’univers délicat et précieux des bijoux de Dihn Van fait parfaitement écho avec mes œuvres, délicates et sensibles. Le corps est notre première maison, notre premier abri et les bijoux constituent de cette manière une extension de notre corps. Les bijoux entrainent une relation très intime avec nous car ce que l’on porte précieusement sur notre corps est souvent étroitement lié à nous et à des moments importants dans notre vie. Cette belle rencontre sémantique n’aurait peut-être jamais eu lieu dans une galerie d’art contemporain mais elle a lieu aujourd’hui au Parcours Saint-Germain.

Quels sont vos projets futurs ?

Une des mes plus récentes expériences d’exposition est le 64e Salon de Montrouge sous le commissariat de Ami Barak et Marie Gautier qui vient juste de terminer. C´était une très importante mise en lumière de mon travail auprès d’un large public de connaisseurs dans milieu de l’art contemporain.

En ce moment je prépare deux expositions personnelles qui auront lieu en août 2019 à Bogotá. L’une à l’Universidad de Los Andes et l’autre dans la Galerie Rincón Projects en plein cœur du quartier artistique de la capitale colombienne.

 

Pratique

Parcours Saint-Germain, Paris 

Dinh Van - 58 rue Bonaparte - 75006 Paris

Du 23 mai au 2 juin 2019 

http://www.parcoursaintgermain.com