François et Gregory Chabanian

Bel-Air Fine Art – François Chabanian

L'Art à Genève
19 avril 2020

J'aime dans ce métier les rencontres tant en amont avec les artistes, leur talent, leur ego et aussi leurs déchirures et leur authenticité... mais aussi en aval les rencontres avec des collectionneurs avec qui nous partageons la même passion, avec qui nous échangeons et de qui nous apprenons également.

François Chabanian, comment êtes-vous venu à l’art contemporain et au désir d’avoir votre propre galerie, la Galerie Bel Air Fine Art ?

Tout petit déjà ! 
Parents et grands-parents amateurs d’art, arrière grand-oncle un des plus grands peintres postimpressionistes arménien... Toujours fourré dans les musées...Courtier en livres illustrés et modernes dès l’âge de 20 ans puis dans une suite logique en estampes et en tableaux, première galerie à 30 ans puis un petit réseau de 7 galeries uniquement en France avant la nouvelle aventure de Bel-Air Fine Art qui a démarré il y a 15 ans. Et depuis 35 ans également collectionneur. On ne peut être un bon marchand si on n’est pas soi-même un amateur d’art passionné et boulimique.

L’équipe de Genève et les artistes de la dernière exposition de la galerie Bel-Air Fine Arts ©AlexPittet

Vous ouvrez votre galerie à Genève en 2004 dans une des plus anciennes rues de Genève, la rue de la Corraterie, entre le musée Rath et le quartier des banques.
Aujourd’hui vous êtes à la tête d’un petit empire qui compte des galeries dans le monde entier, toujours extrêmement bien localisées.

Pourquoi avoir choisi la ville de Genève pour votre première galerie ?

Pas encore dans le monde entier (sourire) mais on y travaille (sourire). A ce jour, 12 galeries en Europe et 2 aux États-Unis.
Genève a été une opportunité et un challenge car la ville compte nombre de collections publiques et privées et les amateurs d’art voyagent énormément. Nous avons su y gagner notre place et fidéliser plusieurs centaines de collectionneurs en Suisse romande. La suite s’est faite naturellement avec d’abord l’ouverture des stations de ski suisses - Crans-Montana, Verbier et Gstaad et en parallèle Saint-Tropez et Cannes puis Paris, Londres, Venise, Knokke et enfin Miami. Chaque lieu a sa personnalité mais on y reconnaît « la couleur » de nos artistes. Nos clients nous retrouvent d’ailleurs régulièrement dans les villes où ils sont en voyage.

Qu’aimez-vous dans le métier de galeriste ?

Évidemment les rencontres tant en amont avec les artistes, leur talent, leur ego et aussi leurs déchirures et leur authenticité... mais aussi en aval avec des collectionneurs avec qui nous partageons la même passion, avec qui nous échangeons et de qui nous apprenons également.

Comment avez-vous axé le fil d’Ariane de Bel-Air Fine Art ?

Très immodestement la ligne artistique dépend exclusivement de mes goûts, de mes choix et de mes coups de cœur que je fais partager à travers mes espaces. Cela fonctionne depuis 30 ans et près de 25'000 amateurs d’art nous suivent désormais.

Les grands mouvements que nous défendons sont : le Post-Pop Art, l’Art Optique, le Street Art et la photographie contemporaine.

©AlexPittet

Artistes contemporains plutôt côtés ou artistes sur le début de carrière ?

Mes coups de cœur sont évidemment éclectiques et une bonne galerie se doit de représenter des artistes de renom mais aussi de donner une visibilité à des artistes émergents, à condition qu’ils soient au minimum déjà présents sur le marché.

La démultiplication est-elle un atout aujourd’hui ?

Pour moi oui, car le marché de l’art est « global » et nous nous adressons à des amateurs d’art souvent « nomades » et exigeants et ils doivent nous retrouver sur les lieux où ils séjournent, même pour de courtes périodes.

L’approche de l’art varie-t-elle d’un pays, d’un continent à l’autre ?

Pas d’après moi... L’être humain est sensible par nature. L’art doit l’émouvoir ou le faire réfléchir... sur sa condition mais avant tout le rendre heureux, lui donner une énergie positive et ceci est valable quel que soit la nationalité, la religion ou la culture. Ainsi nos artistes pourraient très bien demain être exposés en Asie, en Australie, en Amérique du Sud ou partout ailleurs au Moyen-Orient (puisque nous sommes déjà régulièrement en exposition au Liban).

Evénement Alec Monopoly pour le 15e anniversaire de la galerie ©AlexPittet

Gérez-vous seul toutes ces entités pour garder l’esprit du groupe Bel-Air Fine Art ?

L’esprit et la direction artistique oui ! Par contre, je dirige ce gros bateau avec mon fils Gregory qui m’a rejoint à l’ouverture de Genève il y a 15 ans plus une équipe de trentenaires brillants, directeurs de galerie, art advisors, coordinatrices et techniciens. Ils ont une énergie incroyable pour défendre les artistes au quotidien et accueillir nos clients cosmopolites. La plupart ont des masters en art et parlent plusieurs langues... Également une équipe de communication pour le développement online, une équipe logistique pour transporter et dispatcher les milliers d’œuvres d’art que nous gérons quasiment au quotidien. Et bien sûr une équipe administrative et comptable... plus de 50 personnes aujourd’hui.

Comment se porte le marché de l’art ?

Plutôt pas mal.
Le marché est vraiment mondial... collectionneurs et amateurs d’art voyagent. Nos projets futurs sont enthousiasmants. Bien entendu, tout cela s’étudie et se construit aussi dans la durée car les investissements sont conséquents.
Un fond d’investissement nous a d’ailleurs déjà rejoints il y a 4 ans, nous permettant de presque tripler notre réseau et notre chiffre d’affaires.

Quel regard portez-vous sur vos quinze dernières années ?

Cela a évidemment passé trop vite... aucun regret pourtant. Toujours le même enthousiasme au quotidien. Toujours miraculeux de découvrir de nouveaux artistes et de « sentir » l’évolution du marché car les artistes sont souvent des « boussoles » de nos sociétés et de notre monde. Mais aussi la fierté d’être un gros acteur et de participer à l’évolution et au dynamisme de ce marché, dans notre créneau... Je continue d’ailleurs de visiter les ateliers, les grandes foires mais aussi de recevoir des dossiers d’artistes pour identifier les futurs maitres contemporains de demain que Bel-Air Fine Art contribuera à soutenir à l’international.

Votre plus gros risque ?

Cela a été Londres où, dans l’enthousiasme d’une grosse levée de fonds, nous avons pris un emplacement gigantesque sur New Bond Street avec un loyer néanmoins gigantesque et avons eu les yeux plus gros que le ventre ! Heureusement notre lease était court et nous avons fermé fin 2019. Nous allons chercher un emplacement plus en adéquation avec notre groupe.

En cette période de confinement où les avions ne volent pas comment passez-vous vos journées ?

En conférences call plusieurs heures par jour avec nos équipes administratives et comptables, nos avocats, nos commissaires aux comptes, nos partenaires financiers pour gérer au mieux la protection de nos salariés, le report des échéances sociales, des crédits et des loyers, les demandes de prêts auprès de nos différentes banques etc... et ce, sur les 7 pays où nous sommes implantés. Nous n’avons pas chômé et devons nous préparer à plusieurs mois difficiles...mais nous continuons aussi à développer les ventes en ligne, à contacter régulièrement nos clients pour d’abord prendre de leurs nouvelles et leur faire découvrir de nouvelles œuvres. Nous sommes parallèlement en contact avec nos artistes pour préparer déjà les expositions de l’automne.

La vie va continuer. Nous avons évidemment hâte de rouvrir les galeries et de recommencer à échanger avec ce qui est pour nous le plus important : s’émouvoir et se réjouir l’âme devant une œuvre d’art.

Votre prochain défi ?

Il y en a trop ! D’abord passer sans trop de casse cette période ... Nous vous reparlerons de nos défis à partir de 2021.

Galerie à la Corraterie

La galerie sera réouverte dès le 11 mai.

https://www.artageneve.com/lieu/galerie/bel-air-fine-art