Les achats du MAMCO à artgenève 

par Vanna Karamaounas
11 avril 2019

Alors que tous les exposants ont accroché leurs œuvres et disposé des sculptures dans le salon d’art contemporain et d’art moderne artgenève, un espace de trois murs blancs vierges constitue le stand du Mamco avec un panneau « In Course of Acquisition ». 

Lionel Bovier, expliquez-nous le concept que vous renouvelez depuis 2017

Il s’agit de réaliser en direct et jour après jour des acquisitions au sein des galeries présentes à artgenève. Le stand mis à la disposition du MAMCO est donc vide au premier jour et se remplit peu à peu d’œuvres découvertes sur la foire. Par cette initiative, je fais de deux « problèmes » une solution : le musée ne disposant pas de budget d’acquisition sanctuarisé, je mets en place un partenariat qui m’en offre un ; souhaitant soutenir le développement d’artgenève, j’invente une méthode originale pour le faire – et qui nous distingue des autres structures non commerciales présentes sur la foire. 

Comment faites-vous votre choix, peut-on parler de choix stratégique ?

Les critères d’achat restent les mêmes que dans tout autre contexte : la pertinence de l’artiste et de l’œuvre pour la collection du musée et la correspondance de son prix aux moyens disponibles. Avec ce projet, je souhaitais aussi rendre visible un processus qui se déroule lors de toute foire d’art et qui souligne la place que le MAMCO occupe dans cet écosystème, en tant que partenaire actif et spécifique pour les artistes, les galeries, les collectionneurs et le public de l’art.

Privilégiez-vous plutôt les artistes locaux-régionaux, plutôt les artistes internationaux ?

Les deux premières éditions de In Course of Acquisition ont permis au MAMCO de procéder à l’acquisition de nombreuses œuvres, notamment de Stephen Prina, Sylvain Croci-Torti, Louise Lawler, Mitchell Anderson, Haim Steinbach, Allan McCollum, Zak Kitnick, Kim Seob Boninsegni, Hassan Sharif, Mai-Thu Perret, Rico Weber… Soit des artistes aussi bien suisses qu’internationaux, émergents ou confirmés. Je n’ai d’ailleurs jamais rencontré un artiste qui souhaitait n’être évalué que d’un point de vue régional… Je considère donc plutôt mon travail au sein du musée comme générateur d’un dialogue entre une scène nationale ou régionale avec le monde de l’art international.

artgenève 2017

artgenève 2018

Y a t-il une technique que vous préférez ?

Aucune. La ségrégation par technique perd tout son sens dans la période que nous considérons, soit la deuxième moitié du 20siècle et le début du 21e.

Qui finance ces acquisitions à artgenève et quel est le montant alloué ?

Ce projet est rendu possible par la banque Mirabaud & Cie, l’Association des Amis du MAMCO et un donateur anonyme. Le montant tourne autour de 100'000 CHF.

Combien d’œuvres avez-vous achetées en 2019 à artgenève et qui sont les heureux élus ?

En 2019, nous avons pu acheter des pièces de Rasheed Araeen, Walead Beshty, Natalie Czech, Hessie et Louise Lawler. Les listes d’acquisition de ce projet sont disponibles en téléchargement sur notre site, dans la rubrique « Actualités » de l’onglet « Collection ». 

artgenève 2019

Quel va être le sort des acquisitions faites sur la foire ? Le public pourra-t-il les voir ?

J’achète souvent avec en tête des situations concrètes de présentations futures. Ainsi, le public a pu (re)voir l’œuvre de Hassan Sharif dans l’exposition que nous avons organisée avec la Sharjah Art Foundation en été 2018 ; de même, celle de Mai-Thu Perret était présente dans sa grande exposition de l’automne passé. Le public reverra la sculpture de Walead Beshty dans l’exposition qui lui est consacrée, sur l’ensemble du premier étage, cet été. J’ai aussi parfois acheté des œuvres d’artistes que nous avions déjà présenté(e)s : Rico Weber était présent dans « Swiss Pop » en 2017 et Seyoung Yoon faisait partie de l’exposition « Zeitgeist » la même année.

En dehors de ce salon artgenève, où et comment le MAMCO achète-t-il des œuvres pour compléter sa collection ? Les dons d’œuvres d’art faits au musée sont-ils proportionnels aux achats ? 

Le musée ne disposant pas de budget d’acquisition propre, ce sont principalement des donations qui permettent l’accroissement des collections. La collection du MAMCO s’enrichit donc grâce au soutien de son Association d’Amis, de ses mécènes et de nombreuses donations d’artistes.       

Entre 2016 et 2018, la collection s’est accrue de près de 700 œuvres, pour un montant dépassant les 8'000'000 de CHF, qui viennent compléter ou stabiliser des ensembles existants, combler des lacunes importantes et explorer de nouvelles directions de développement. En 2016 et 2017, le musée a également reçu le legs Claudine et Sven Widgren et une importante donation en mémoire de Marika Malacorda. L’organisation du Fonds Erwin Oberwiler en 2018, legs partagé avec le Musée des Beaux-Arts de la Chaux-de-Fonds, permet aussi au musée de conserver une trace de l’une de ses figures fondatrices. Enfin, la Fondation MAMCO a fait l’acquisition en 2016-2017 de l’ancienne collection de Ghislain Mollet-Viéville, réunie dans l’Appartement du musée. 

A quoi sert une collection ?

La collection du MAMCO est placée au centre du nouveau dispositif que j’ai dessiné à mon arrivée en 2016 : comme lieu d’origine et d’horizon souhaité des expositions. Elle est également le vecteur d’une nouvelle politique d’internationalisation : nous organisons en effet chaque année une exposition à l’étranger, construite à partir de notre collection. En 2017, nous avons ainsi participé à la première BienalSur de Buenos Aires, en organisant un dialogue entre la collection du Musée national des Beaux-Arts et la nôtre ; en 2018, nous avons aidé le Beirut Art Center à organiser une manifestation autour de Guy de Cointet ; et, la même année, nous avons produit, avec l’Institut suisse de Rome et Milan, un projet autour du « MOMAs Project » de Martin Kippenberger qui fut présentée à Palerme, dans le cadre de la Biennale Manifesta, avant de revenir en nos murs cette année.

Combien d’artistes et combien d’œuvres sont dans la collection du MAMCO ? 

L’inventaire n’étant pas tout à fait terminé, je dirais environ 4'500 œuvres d’environ 1'000 artistes.

Est-il envisageable d’organiser une grande exposition uniquement avec les dons et les achats du MAMCO ?

C’est non seulement possible, mais nous l’avons fait régulièrement : l’exposition « Nouvelles Images », par exemple, début 2018, réunissait sur un plateau entier du musée des œuvres ayant été acquises par ou données au MAMCO entre 2016 et 2017. Cet été et cet automne nous construisons plusieurs expositions autour de nouvelles donations (de Nam June Paik, d’Arnulf Rainer, de John M Armleder, mais également des Editions Givaudan ou d’une collection des années 1990 réunie autour de la figure de Gilles Dusein). Je pourrais aisément, en déployant la collection de façon plus permanente, occuper l’ensemble du bâtiment qui nous occupe – et quelques milliers de mètres carré en plus ! Enfin, ainsi que le révèle le système de cartels au musée, où les œuvres de la collection sont signalées par l’usage d’un plexiglass grisé, chaque exposition est l’occasion de confronter les ressources de la collection à des prêts extérieurs. 

En 2020, continuerez-vous à vous promener dans les allées de artgenève pour enrichir la collection du MAMCO ?

Absolument ! On ne change pas une formule qui gagne !