Anjesa Dellova chez Fabienne Levy

Cerise Dumont
15 septembre 2025

Anjesa Dellova présente son premier solo show Finding Words, Fighting Words au sein de la galerie Fabienne Levy, entre Genève et Lausanne. Pensée comme une même proposition déclinée dans deux espaces, l’exposition permet au public de se confronter à l’univers de la jeune artiste.

Pour sa première exposition solo chez Fabienne Levy, l’artiste lausannoise Anjesa Dellova (1994) rassemble des œuvres déjà anciennes (2019) et plus récentes (2025) qui reflètent l'étendue de sa pratique artistique. À Genève, sept œuvres – six toiles et une installation – sont présentées. On y retrouve les peintures monochromatiques qui sont sa signature, mais, pour la première fois, le dispositif d’exposition lui-même propose une sélection polychrome. Des tableaux gris, bleus et oranges sont exposés dans un même espace, dévoilant des résonances inattendues.

« Bouc émissaire 2 », 2025, oil on canvas, 55 x 45 cm

La même technique se retrouve dans chacune des peintures d’Anjesa Dellova : de la peinture à l’huile sèche est déposée par frottements du pinceau sur la toile. Ce geste venu intuitivement à l’artiste la première fois qu’elle s’est confrontée à ce médium demeure le même à chaque fois. Il confère à ses tableaux une matérialité singulière, à la fois rêche et éthérée, qui fait ressortir le côté rugueux des supports. Cette rugosité contraste avec la douceur qui se dégage des tableaux aux teintes délicates. Douceur de la touche, toute en transparence, mais aussi douceur du regard que l’artiste porte sur ses sujets.

Dans ses compositions figuratives, Anjesa Dellova s'interroge sur ce qui relie la famille et ce qui définit l'altérité et l'identité, dans une exploration critique des histoires qui lui ont été transmises. Les questions liées à la mort, au deuil, à la douleur et à la souffrance sont des thèmes récurrents dans sa pratique. Pourtant, malgré la noirceur de ces thématiques, leur violence est assourdie par l’empathie que l’on devine chez l’artiste. Les corps désarticulés comme les visages grimaçants ou hébétés nés sous son pinceau frappent par leur expressivité. Qu’elle représente des êtres humains ou des animaux – la peintre propose un bestiaire rassemblant bouc, vache et même une raie –, les regards tragiques et absentes saisissent les spectateurs et engagent une relation directe avec ceux-ci.

« La vache qui court », 2019, Oil on canvas, 140 x 120 cm

Cette dynamique presque interactive avec le public de son œuvre est au cœur de la démarche d’Anjesa Dellova, qui s’attache à explorer l’inconfort suscité par l’art. Les œuvres semblent nous parler intimement, mais elles résistent pourtant aux mots : car nommer, c'est aussi figer, simplifier, céder à l'illusion – évidemment trompeuse – d'avoir compris ce qui reste voilé. Face à ces élans réducteurs, l’artiste revendique l’adoption d’une posture critique et cherche à provoquer une réaction en suscitant ce face-à-face qui dérange. En écho au titre de l’exposition Finding Words. Fighting Words, l’artiste s’efforce de dépasser le prisme du langage pour questionner la façon de poser des mots, et un regard, sur une œuvre.

«Laraie»,2020,oiloncanvas,140x120cm

L’exposition se déroule entre Lausanne et Genève, dans les deux espaces romands de la galerie. 
Vernissage à Genève : Mercredi 17 septembre pour la Nuit des bains, 18h. Jusqu'au 8 novembre 2025.

https://www.artageneve.com/lieu/galeries/galerie-fabienne-levy