Art Now Projects – Femmes Objectif Japon

Art Now Projects – Femmes Objectif Japon

Cerise Dumont
22 janvier 2024

Femmes Objectif Japon, 6 photographes japonaises donnent leur vision de la photographie d’aujourd’hui. Hiromi Kakimoto, Kyoko Kasuya, Kumi Oguro, Tomoko Sawada, Mayumi Suzuki, Shiho Yoshida sous la curation de Sophie Cavaliero.

Hiromi Kakimoto – Kyoko Kasuya – Kumi Oguro – Tomoko Sawada – Mayumi Suzuki – Shiho Yoshida – sous la curation de Sophie Cavaliero

Six femmes japonaises. Six photographes. Six regards.

L’exposition présentée par Art Now Projects interroge le concept de la photographie même. Portrait ou paysage, aujourd’hui les images ne peuvent plus être perçues au seul prisme de leur format. La question du regardant / regardé est désormais au cœur de la pratique photographique, ajoutant au pur plaisir esthétique que les clichés procurent une multitude d’interrogations qui renvoient les spectateurs et spectatrices à leur réalité. Témoignant de cette évolution, les œuvres des artistes présentées par la galerie carougeoise n’existent pas que pour être regardées, elles doivent aussi être pensées.

C’est là l’une des spécialités d’Art Now !. La galerie se veut être un lieu d’échange à part entière, au service d’une meilleure connaissance de l’art. Les expositions peuvent s’accompagner de rencontres d’artistes, de cours d’art, de performances, d’ateliers et d’activités expérimentales diverses. La curatrice Sophie Cavaliero a ainsi exploré la problématique de la photographie japonaise contemporaine de manière réflexive, en débordant du cadre de la stricte présentation des œuvres. Plusieurs ouvrages spécialisés écrits par cette amoureuse de l’art et du Japon sont ainsi en vente, afin d’offrir au public des clés pour approfondir les réflexions inspirées par les pièces présentées. Elle présente en outre un cycle de 5 conférences sur la photographie japonaise contemporaine (tous les mardis de 18h30 à 19h30 - via Zoom - entre le 16 janvier et le 13 février 2024). Enfin, plusieurs œuvres peuvent être découvertes de manière plus fouillée dans des podcasts via un QR-Code…

Hiromi Kakimoto, Kyoko Kasuya, Kumi Oguro, Tomoko Sawada, Mayumi Suzuki et Shiho Yoshida, les six photographes cohabitent harmonieusement dans le petit espace de la galerie. Cette proximité ne nuit pas à leur individualité. Grâce à un accrochage alliant précision et originalité, les esthétiques et les univers de chaque artiste se distinguent aisément. Chacune d’entre elles poursuit sa propre réflexion dans son travail, questionne la féminité, l’identité ou le deuil, tout en interrogeant le pouvoir de l’image dans ses photographies : 

·      Mayumi Suzuki explore la blessure intime de l’infertilité féminine. Ses photographies mêlent des clichés d’elle-même à de surprenantes images en gros plan de légumes, traitant d’égal à égal ces différentes formes de vie.

Mayumi Suzuki

·      Hiromi Kakimoto reconstitue la mémoire de sa famille à partir de souvenirs et de photographies sur son père décédé, les clichés réels se superposant aux images mentales jusqu’à ce qu’il soit impossible de les distinguer. 

·      Dans une vidéo, Kyoko Kasuya sonde les expériences universelles partagées grâce à la transcription du journal intime d’un soldat kamikaze durant la Seconde Guerre mondiale. 

·      La démarche de Shiho Yoshida inverse le point de vue habituel sur la réalité. Partant d’images vues sur internet, la photographe part en quête de ces paysages fantasmés et se heurte au décalage du monde réel avec « l’original » de l’écran, transcendant les frontières du médium photographique. 

·      Avec ses photographies soigneusement scénographiées et éminemment cinématographiques, Kumi Oguro invite les spectateurs à plonger dans un entre-deux narratif entre rêve et rationalité, entre réalité et fiction.

·      Les autoportraits pluriels de Tomoko Sawada interrogent la question de l’identité et de l’individualité, l’artiste explorant notamment le processus par lequel on reconnaît l’autre en s’appuyant sur des stéréotypes. 

Tomoko Sawada

 

Les œuvres présentées frappent par leur esthétique singulière, précise et délicate, sans tomber dans l’écueil de la mièvrerie. L’exposition dégage une grande poésie. La dimension onirique des images, qui touchent parfois au surréalisme, induit une sensation de flottement. La contemplation des photographies est une invitation à laisser dériver ses pensées. Comme dans un roman de Murakami, l’étrange survient au milieu l’ordinaire mais la frontière entre le réel et l’irréel est floue ; la limite du rêve et de l’imaginaire est poreuse, mouvante, insaisissable.

Kumi Oguro

https://www.artageneve.com/lieu/galeries/art-now-projects