Association des Sculpteurs et Sculptrices de Genève AsdG

Association des Sculpteurs de Genève – Sculptures au parc

Cerise Dumont
20 mai 2025

L’Association des sculpteurs et sculptrices de Genève (AsdG) – en collaboration avec la Commune de Chêne-Bougeries – expose en plein air, au cœur du parc Stagni. Pas moins de 21 artistes participent à l’événement Sculptures au parc. Jusqu'au 22 juin.

 

Artistes : Jean-Marc Aguilar, Ngamanya Banda, Annick Berclaz, Henri Bertrand, Pierre Bouffioux, Roland Breitschmid, Anne Bussard, Chantal Carrel, Christine Demière, Xavier Dussoix, Elisheva Engel, Laurent-Dominique Fontana, Antonio Ghezzi, Agnieszka Gorla–Bajszczak, Lukas Grogg, Vera Jud, Titane Lacroix, Isabelle Milleret, Miranda Roux, Hideki Sando, Françoise Studer, Jean Zund.

L’exposition Sculptures au parc doit un peu se mériter : l’entrée du Parc Stagni impose de traverser le parc Sismondi afin d’accéder à l’unique porte permettant de pénétrer dans les lieux. Une fois franchi le mur d’enceinte, le parc se révèle être un véritable bijou, un écrin de verdure où la végétation voisine avec des sculptures disposées sur les pelouses, dans les massifs ou à l’ombre des arbres, invitant à la déambulation.

L’ordre de visite importe peu, l’emplacement des œuvres ayant été choisi pour leur permettre de dialoguer au mieux avec les éléments du parc.

 

Antonio Ghezzi – Orchidée et Évasion

Antonio Ghezzi modèle le métal avec une virtuosité qui confère à ses sculptures une étonnante légèreté. Orchidée et Évasion, deux hautes structures aux formes sinueuses, semblent en apesanteur, comme suspendues entre ciel et terre. Dans la première, une plaque circulaire de métal découpé au laser a ensuite été façonnée au moyen de pliages. Dans la seconde, le métal soudé, matière de prédilection de l'artiste, se transforme ici en arabesques aériennes qui dansent dans l’espace. Chaque pièce est soutenue par une base géométrique contrastant avec l'aspect organique des œuvres, et dialogue entre ces lignes rigides et les formes plus souples et poétiques conférant à ses sculptures une dynamique silencieuse.

©François de Limoges

 

Pierre Bouffioux – De l’autre côté du pilier

Quatre colonnes jaunes, construites à partir de simples planches de chantier, dressent leur verticalité vers le ciel. Chacun de ces monolithes est percé d’une ouverture géométrique à la forme élémentaire, qui invite les promeneurs à regarder à travers elle et à redécouvrir le paysage autrement. Ce jeu de cadrage transforme notre perception du parc et questionne notre rapport au monde construit. Pierre Bouffioux détourne des matériaux bruts du quotidien pour en faire des instruments de réflexion et de regard. L’artiste nous pousse ainsi à interroger les cadres – physiques ou symboliques – que nous imposons à notre environnement.

©François de Limoges

 

Henri Bertrand – Trop tard, vraiment ?

Cette œuvre percutante met en scène un tronc d’arbre que le métal transperce, fend en deux parties avant de jaillir sous forme de branches noires et décharnées. Le bois, matière vivante, semble perdre la bataille face à une industrialisation invasive, froide et dominante. Henri Bertrand porte ici un regard inquiet sur l’état de notre environnement. À travers cette sculpture, il dénonce une forme de violence sourde que nos sociétés modernes exercent sur les écosystèmes. Mais le point d’interrogation du titre ouvre une brèche d’espoir : est-il encore temps de réagir ? L’œuvre pose une question essentielle, à la fois intime et collective.

©Agnieszka Gorla-Bajszczak

 

Roland Breitschmid – Murmure

Une immense goutte argentée se dresse sur l'herbe telle une larme suspendue dans l’espace. Sur ses lignes métalliques s’égrènent des éclats de verre colorés, dans des tons bleutés qui captent la lumière et l’environnement alentour. Le tout vibre au gré du vent et semble respirer, presque vivre, au rythme du parc. Roland Breitschmid évoque ici le murmure discret d’une source, la musique douce d’une émotion fluide et intemporelle. Cette sculpture allie solidité du métal et fragilité du verre dans une union poétique.

©François de Limoges

 

Françoise Studer – Nuage de liberté

Suspendue dans les branches d’un arbre, la création au crochet de Françoise Studer prend la forme délicate d’un nuage blanc. Au moindre souffle de vent, la structure oscille doucement, comme habitée d’un battement intérieur. L’artiste y joint un poème, murmure discret qui prolonge la poésie de la forme. Ce nuage suspendu devient alors une promesse de liberté, un abri pour l’imaginaire. Il échappe à la gravité comme aux contraintes du réel.

©François de Limoges

 

Agnieszka Gorla–Bajszczak – Le Souffle du printemps

Sur un socle d’humus repose un buste féminin à la peau verte, qui souffle délicatement sur une fleur. La figure, à mi-chemin entre femme et esprit, semble surgir d’un autre monde, minéral, végétal, ancien. Ce souffle invisible, capté au cœur du geste, devient symbole de renouveau et de transformation. L’œuvre s’inscrit dans une série consacrée aux quatre éléments, ici l’air, traité avec une grande sensibilité. Le regard du spectateur est attiré autant par le mystère du visage que par le frémissement suggéré du souffle. Une ode à la respiration du vivant, fragile mais persistante.

©François de Limoges

 

Annick Berclaz – Gigablue Two

Sculpture étrange et fascinante, ce « pollen » monumental, en grès et porcelaine, évoque autant les organismes microscopiques que des entités extraterrestres. La surface richement texturée, dans des teintes bleues et jaunes, attire le regard et le fait dériver entre science et fiction. Annick Berclaz nourrit une véritable passion pour l’invisible, pour ces formes vivantes que l’œil nu ne perçoit pas. En grossissant l’échelle de ces êtres minuscules, elle nous force à les regarder autrement. Gigablue Two brouille ainsi les frontières entre art, biologie et imagination. Une présence étrange et familière à la fois, posée sur l’herbe comme tombée d’un autre monde.

©François de Limoges

 

Jean-Marc Aguilar – Passage

Un monolithe de métal, percé en son centre, est traversé par une tige portant deux pierres suspendues. Celles-ci se balancent doucement, animées par le vent ou la main du visiteur, avant de retrouver un équilibre fragile. Jean-Marc Aguilar crée une œuvre méditative, où la stabilité naît du mouvement et du déséquilibre. Passage parle de ces moments de transition dans nos vies, où tout semble incertain, mais où une forme d’harmonie finit par émerger. La simplicité des matériaux – fer, pierre – contraste avec la complexité symbolique du geste.

©François de Limoges

 

Christine Demière – Nuage A

Avec Nuage A, Christine Demière propose une forme pleine et douce, dont la masse blanche tout en rondeurs semble posée sur la pelouse comme tombée du ciel. Réalisée en béton directement estompé sur un treillis métallique, l’œuvre joue sur le paradoxe d’un nuage massif, sculpté dans une matière brute et lourde. Cette contradiction amuse et intrigue : comment une forme aussi impalpable devient-elle soudain tangible, presque pesante ? L’artiste invite à contempler la poésie des volumes, à ralentir le regard. Nuage A flotte au sol comme une rêverie solidifiée.

©François de Limoges

 

Anne Bussard – Leptogium

Leptogium est une œuvre discrète, presque camouflée dans le paysage, à l’image de ces lichens dont elle tire son nom. Anne Bussard recouvre des troncs morts de fragments adhésifs qui attirent le regard vers des détails souvent négligés. L’artiste nous force ainsi à adopter un regard attentif, respectueux du fragile et de l’invisible. Une œuvre aussi silencieuse qu’essentielle, à la fois scientifique et poétique.

©Anne Bussard

 

Elisheva Engel – Le mystère du désir

Deux formes sculpturales s’élancent l’une vers l’autre, se frôlent, se cherchent, avant de s’embrasser dans un geste suspendu. L’une est anguleuse comme un escalier, l’autre fluide comme une rampe courbe : ensemble, elles composent une danse étrange et sensuelle. Marquées par des empreintes de fers à repasser, elles évoquent des corps marqués, chargés d’une mémoire brûlante. Le sommet semble cracher des flammes, ou peut-être une étreinte ardente. Elisheva Engel joue ici de l’humour, du surréalisme, de la tension entre attirance et fusion. Son œuvre trouble, fait sourire, mais surtout interroge nos désirs profonds et les formes qu’ils prennent.

©François de Limoges

 

Isabelle Milleret – Fragment d’instantané

Fragment d’instantané capte un moment suspendu, une forme presque abstraite surgie d’un mouvement figé. Isabelle Milleret, fascinée par les plis, les drapés et les tensions de la matière, sculpte ici un élan figé vers le ciel. On croit voir un bouquet de lignes, un frisson qui s’élève, une vibration stoppée net. La matière devient geste, presque souffle. L’œuvre semble capturer l’instant juste avant l’envol, ou juste après l’impact, entre mouvement et immobilité. C’est une sculpture ouverte, interprétable, qui donne à sentir plutôt qu’à comprendre.

©François de Limoges

 

Vera Jud – Rêverie au parc

Assise en tailleur, les bras entourant ses genoux, une petite silhouette de calcaire contemple le parc avec une intensité silencieuse. Compacte, ramassée sur elle-même, elle évoque certaines figures des temps premiers. Vera Jud façonne une présence discrète, presque effacée, mais puissamment ancrée dans l’espace. Sa sculpture est une œuvre de l’écoute, du retrait, du rêve. Rêverie au parc invite à faire une pause, à redevenir un simple regard dans le paysage.

©François de Limoges

 

Jean Zund – Composition à lamelles

Deux formes métalliques, circulaires, s’enlacent sans se confondre, comme deux astres tournant l’un autour de l’autre. Jean Zund explore l’abstraction à travers le jeu des surfaces, des reflets, des pleins et des vides. Les lamelles imbriquées créent une tension douce, une harmonie construite par l’équilibre des forces qui opère tout en discrétion, entre simplicité géométrique et complexité intérieure. Cette sculpture silencieuse, presque musicale, dévoile lentement son rythme interne au regard attentif. À mesure que l’on tourne autour d’elle, l’œuvre se transforme, reflète la lumière, le mouvement, le monde.

©François de Limoges

 

Ngamanya Banda – Nounous Revoyons

Un ours en peluche taillé dans la pierre trône sur l’herbe du parc, à la fois drôle et émouvant. Avec son titre en forme de jeu de mots – Nounous Revoyons – Ngamanya Banda joue sur la nostalgie et la tendresse de l’enfance. La sculpture évoque les objets affectifs qu’on chérit et qu’on perd, les présences rassurantes d’hier. Sur le socle, la phrase « Nous Nous Reverrons » ajoute une note mélancolique, presque rituelle.

©François de Limoges

 

Hideki Sando – Arbre mort plein de vie

Au détour d’un sentier, sous les branches des arbres en bordure du parc, une étrange guirlande serpente, chargée de petits papiers vibrant au vent. En la suivant des yeux, on découvre une grande tête de dragon fixée à un tronc : l’œuvre se déploie presque par surprise, comme une apparition. Hideki Sando investit ici l’espace in situ avec poésie et humour en transformant un arbre défunt en créature mythologique. Les papiers, suspendus avec soin, rappellent les ex-voto ou les vœux accrochés dans les temples asiatiques. Avec leur forme d’éclairs, ces papiers SIDE servent en réalité à protéger les rizières dans les anciennes croyances en vigueur au Japon. L’artiste convoque ici les traditions de sa culture, comme il le fait avec la figure du dragon, un dieu du panthéon shintoïste représentant la puissance de la nature. Par le biais de son installation, Hideki Sando exprime sa révolte contre la destruction de l’environnement et disparition des nombreux écosystèmes. Son œuvre vivante, mouvante, fait dialoguer culture, nature et imagination. Arbre mort plein de vie renverse la logique de la disparition en faisant surgir un souffle nouveau du bois sec.

©François de Limoges

 

Chantal Carrel – Cadrage

Dans un carré de résine jaune translucide, une ouverture géométrique laisse passer le paysage comme à travers une lentille colorée venant capter les rayons du soleil et les transformer, teintant le regard de chaleur et de douceur. L’œuvre agit comme une fenêtre suspendue dans le végétal, un cadrage poétique, qui évoque la photographie mais en mouvement, intégré au monde vivant. Chantal Carrel joue sur la lumière, la transparence, et sur la sensation de flottement entre réel et imaginaire. Devenant outil de perception, son oeuvre nous oblige à ralentir, à regarder autrement. 

©François de Limoges

 

Miranda Roux – Le jardin

Sous un arbre, une femme assise dans un berceau semble se fondre peu à peu dans la terre, dans l’écorce, dans le silence. Modelée en ciment, sa peau, ses vêtements, ses cheveux se confondent avec la texture du sol et du tronc. Le jardin est une œuvre de patience et de fusion : l’humain y devient partie intégrante du paysage. Accompagnée d’un poème de Christine Oltramare, la sculpture devient aussi un espace intérieur, un lieu de repli, d’écoute et de germination.

©François de Limoges

 

Titane Lacroix – Bubbuloïde Helveticus

Posée au centre de la pelouse, une forme noire aux contours incertains semble s’étendre comme une marée étrange. Ce Bubbuloïde Helveticus, selon la fiche humoristique qui l’accompagne, serait une espèce botanique rarissime, capable de dépolluer les sols. Mais sous son apparence menaçante et sa matière en caoutchouc et sagex, l’œuvre s’amuse des langages scientifiques, écologiques et artistiques. Titane Lacroix détourne les codes du musée d’histoire naturelle pour inventer un objet fictif, à la fois inquiétant et burlesque. Elle interroge notre rapport au vivant, à l’altérité, à la catastrophe. Entre fiction et satire, Bubbuloïde Helveticus invite à aborder la crise écologique avec autant de sérieux que d’imagination.

©François de Limoges

 

Xavier Dussoix – Minimal Totémique

Un totem géométrique en miroir s’élève au milieu de la verdure, reflétant les arbres, le ciel, les passants. Des fils de fer aux courbes souples s’intègrent à sa structure lisse. Xavier Dussoix compose ici un équilibre subtil entre rigueur minimale et formes organiques, entre transparence et opacité. L’œuvre change à chaque regard, à chaque lumière, et renvoie toujours quelque chose du monde autour. Elle évoque à la fois les sculptures de Brancusi et les installations contemporaines qui absorbent leur environnement. Minimal Totémique est une méditation sur la verticalité, la résonance et la présence discrète.

©François de Limoges

 

Lukas Grogg – Le Temps (Triptyque)

Trois figures féminines en bronze se succèdent dans un léger mouvement, comme captées dans une danse lente. Elles représentent le passé, le présent et le futur : trois visages du temps, unis par un même élan. Le style classique de Grogg, tout en souplesse et sobriété, donne à ce triptyque une beauté paisible et méditative. Rien de figé pourtant dans ces sculptures : chacune semble tendre vers la suivante, comme dans un cycle sans fin. C’est une œuvre silencieuse, presque sacrée, qui rappelle la profondeur des choses simples.

©François de Limoges

 

Laurent-Dominique Fontana – Figures de l’ombre

En bois brut et béton, des petites figures muettes se dressent face à nous, comme figées dans un cri silencieux. Laurent-Dominique Fontana laisse transparaître sa révolte : contre la violence du monde, contre l’indifférence, contre la passivité. Ses sculptures ont quelque chose de rugueux, de blessé, mais aussi d’inaltérable. Elles portent en elles une dignité âpre, un refus de détourner le regard. Figures de l’ombre est une œuvre grave, sans fard, qui nous renvoie à notre propre capacité d’agir ou de rester immobile. Un art qui ne cherche pas à séduire mais à éveiller.

©François de Limoges

Des visites commentées sont organisées pour les classes et les groupes, sous couvert de réservation, et les artistes seront présents tous les samedis et dimanche, de 11h à 16h, offrant ainsi au public l'opportunité de dialoguer directement avec eux.
 

Pratique : Le Parc Stagni est ouvert de 8h00 à 23h00. Entrée libre

L’entrée principale du parc est située au 132 Route de Chêne – Chêne-Bougeries

L’autre entrée est par le parc Sismondi depuis la route du Vallon – Chêne-Bougeries

 Les artistes seront présents tous les samedis et dimanche, de 12h à 17h

https://www.artageneve.com/lieu/galeries/association-des-sculpteurs-et-sculptrices-de-geneve-asdg

photos copyright ©François de Limoges 

photo Henri Bertrand - ©Agnieszka Gorla-Bajszczak

photo Anne Bussard - ©Anne Bussard