Bernard Voïta – Ceci n’est pas un appareil photographique

Photographier un appareil photographique serait déjà interroger le médium, en dire la mécanique en un jeu un peu facile. Il semblerait que c’est ce que fit Bernard Voïta. A ceci près que ces photographies ne sont pas celles d’un appareil photo. C’est à s’y méprendre, un trompe-l’œil, un de ces artifices qui créent la confusion chez le regardeur, un exercice de virtuosité, d’abord une affaire de peintre dont Pline l’ancien parle déjà. Zeuxis aurait peint des raisins si réalistes que des oiseaux se seraient précipités pour les picorer. Mais à quoi bon peindre le réel puisque s’agissant de réalisme la photographie supplante la peinture ? Elle passerait même pour « image vraie » avec Véronique « Vera icona » pour patronne. Voilà ce que Voïta déconstruit. Ceci n’est pas un appareil photo mais une savante composition en volume. Sa réduction en deux dimensions, par la prise de vue depuis un point de vue particulier, cadrage que nous offre le photographe, permet de voir ce qui n’est pas. Cet effet, d’avant l’ère numérique est sans trucage ni retouches.

Mais ne nous trompons pas deux fois. La virtuosité n’est pas uniquement formelle même si elle est poussée jusqu’aux détails permettant de détromper un regard attentif, mais bien conceptuelle. Ces images sont des leurres, elles captent notre attention pour mieux nous emmener ailleurs. Elles s’ancrent dans les réflexions sur la représentation et ses degrés de ressemblance avec le monde. Elles font écho à une tradition picturale autant qu’à la question déjà posée par Rodin de comment photographier la sculpture. Elles prouvent surtout, avec beaucoup d’humour, si besoin était encore que la photographie n’est pas la vérité mais une question de point de vue.

Claude-Hubert Tatot

Pratique :

"SALON" jusqu'au 26 juin 2021 – Galerie Laurence Bernard – rue des Bains 37 – 1205 Genève

https://www.artageneve.com/lieu/galeries/galerie-laurence-bernard