Bernard Tullen

Bruissements végétaux au Centre de la Photographie

Cerise Dumont
1 octobre 2025

Le Centre de la Photographie Genève explore dans son exposition Bruissements végétaux les multiples relations entre l’humain et le monde végétal, inaugurant ainsi son installation dans l’Espace Ami-Lullin, au cœur du parc des Bastions.

Installé hors les murs pendant les travaux du MAMCO, le Centre de la Photographie Genève (CPG) a investi un espace inattendu : la Bibliothèque de Genève, dont le bâtiment donne sur le parc des Bastions — premier jardin botanique de la ville. Ce déplacement, à la fois symbolique et concret, inscrit l’exposition dans une continuité historique : celle d’un lieu où la connaissance et la nature dialoguent depuis des siècles.

Dans l’Espace Ami-Lullin, les œuvres rassemblées tissent un vaste réseau d’images, de textures et de récits. Elles traduisent notre rapport complexe, souvent paradoxal, au végétal : indicatrices du réchauffement climatique, objets de désir esthétique, ressources scientifiques ou simples accessoires décoratifs, les plantes sont tour à tour instrumentalisées, célébrées ou méconnues.

 

Saskia Groneberg, avec ses plantes de bureau rigoureusement cataloguées comme lors d’un terrain botanique — photos, fiches descriptives et échantillons passés à la photocopieuse — détourne avec humour le langage scientifique pour questionner notre besoin de classification et de contrôle du vivant. Yann Gross, lui, propose de grands formats où les palmiers se teintent de rose et surprend avec une image ne se révélant qu’à la lumière du flash, soulignant la part d’illusion et de révélation dans notre regard sur la nature.

Yann Haeberlin adopte une approche quasi anthropologique pour redonner une dignité visuelle aux plantes dites « mal aimées ». Felicity Hammond, avec sa sculpture monumentale composée de photographies recouvertes de résine acrylique et découpées en feuilles, matérialise la tension entre organicité et artifice. Hilla Kurki explore un terrain plus intime : à partir des fleurs du jardin de sa mère, elle mêle photographies et textes de femmes évoquant leurs relations maternelles, créant une mémoire recomposée, entre réel et fiction.

Yann Mingard s’intéresse aux plantes invasives saturées de métaux lourds, dont il révèle les spectres chimiques à travers des images scientifiques. Dans un registre plus spéculatif, Lea Sblandano imagine des organismes hypothétiques aux teintes douces, tandis que Berit Schneiderheit trouble la vision par des photographies voilées, dans lesquelles les feuilles se confondent avec les ombres. Bernard Tullen, lui, peint à l’huile de somptueux hortensias hyperréalistes, peints d’après ceux qui bordent le bâtiment du CPG. Enfin, Magdalena Wysocka et Claudio Pogo présentent une série de risographies de glaïeuls ou s’amusent à réinterpréter les images de catalogues de semences avec une délicatesse quasi archivistique.

Aux côtés de ces artistes, le Conservatoire et Jardin botaniques de Genève participe également à cette réflexion collective, rappelant le lien entre observation scientifique et imaginaire esthétique.

Entre documentation, fiction et expérimentation visuelle, cette exposition du CPG dresse un portrait kaléidoscopique du monde végétal, miroir de nos espoirs, de nos contradictions et de nos projections. Dans ce cadre feutré et verdoyant, la nature, loin d’être un simple décor, devient à nouveau un sujet de connaissance, de poésie et de conscience.

©Annik Wetter

Avec Saskia Groneberg, Yann Gross, Yann Haeberlin, Felicity Hammond, Hilla Kurki, Yann Mingard, Lea Sblandano, Berit Schneiderheit, Bernard Tullen, Magdalena Wysocka & Claudio Pogo, ainsi que Les Conservatoire et Jardin botaniques de Genève.

 

Pratique :

Parc des Bastions - Bibliothèque de Genève

Jusqu'au 12 octobre 2025