
Chong Gallery – 2 Year Anniversary
En mai, Chong Gallery fête les deux ans de son ouverture. La galerie en profite pour présenter l’exposition 2 Year Anniversary, un Group Show Anniversaire aux allures de rétrospectives rassemblant de nouvelles œuvres ainsi que certaines œuvres phares d’expositions précédentes.
Implantée au cœur du quartier du Temple à Genève, Chong Gallery s’est imposée en deux ans comme un lieu de référence pour l’art urbain et contemporain. Fondée par deux jeunes passionnés, Elisabeth Prezanti et Jerem Cognié, la galerie fait le pari de conjuguer exigence artistique et ouverture au public, en misant sur des formats hybrides, des artistes émergents et des dialogues entre art de la rue et espace d’exposition.
Chong Gallery est née de l’envie de décloisonner. Ici, le street art ne se limite pas aux murs extérieurs – il prend place sur toile, en photographie, en textile, voire dans l’intelligence artificielle. En exposant aussi bien des photographes genevois que des collectifs espagnols, des artistes de renom que des autodidactes, la galerie défend une approche organique de la création : vivante, multiple, en constante mutation.
Pour célébrer son deuxième anniversaire, la galerie propose une rétrospective généreuse et cosmopolite. Entre retour sur les temps forts et découverte de nouvelles pièces, l’exposition est le reflet de l’identité du lieu : urbain, éclectique et ouvert sur le monde. Le parcours se déploie sur deux niveaux, avec une mezzanine qui prolonge l’exposition dans l’espace de stockage, venant ainsi brouiller la frontière entre arrière-scène et vitrine artistique.
La photographie est bien représentée. La première exposition de Chong Gallery, consacrée à la photographe londonienne Jeeba, fut un jalon important : images analogiques, urbaines, aux accents cinématographiques, éditées par la galerie à partir des archives de l’artiste. On retrouve également le travail de Kelly de Geer, photographe genevoise qui dialogue avec l’IA pour construire des images oniriques et poétiques.
Des sérigraphies signées Parra, Mark Drew ou Kai & Sunny rappellent que la galerie s’inscrit aussi dans un réseau plus large d’artistes reconnus. Les œuvres de ces artistes font dialoguer narration, abstraction et culture populaire avec un humour discret ou une grande sophistication graphique.
Parmi les œuvres marquantes, on retrouve également plusieurs pièces de l’exposition consacrée au collectif Formato Norte, un groupe de 7 peintres originaires du Pays basque. Leur particularité ? Travailler à partir de photographies – souvent des clichés qu’ils réalisent eux-mêmes – pour créer des œuvres oscillant entre hyperréalisme minutieux et interprétations plus libres de l’image contemporaine. Chaque artiste développe ainsi une écriture propre, mais tous partagent un ancrage visuel fort dans l’urbain, le quotidien et les marges.
Mikel Del Rio impressionne par la technicité de son travail. Il manie l’huile en glacis ultra-fin, atteignant un tel niveau de précision que ses toiles donnent l’illusion de photographies, jusque dans la matière même du médium. Les jeux sur les espaces négatifs et les textures accentuent encore cette ambiguïté entre peinture et image mécanique.
Iñigo Sesma, quant à lui, nourrit sa peinture de ses nombreux voyages aux États-Unis. Son travail est traversé par des références explicites à l’imaginaire américain. Sortwo, pour sa part, joue d’un style plus muraliste, avec des compositions moins illusionnistes que celles de ses camarades. Il s’inspire souvent de portraits de célébrités qu’il détourne ou réinterprète, dans une esthétique proche du street art pur, à mi-chemin entre fresque et collage pictural. Enfin, Marcos Navarro s’éloigne volontairement du réalisme rigoureux de ses pairs pour proposer une peinture plus abstraite, qui garde pourtant une dimension figurative lisible dès lors qu’on connaît le sujet représenté.
Au niveau de la mezzanine, on peut découvrir le travail de Sebas Velasco, qui puise dans les codes du portrait classique pour représenter des scènes semi-urbaines – souvent des périphéries d’autoroute, des lieux en marge, marqués par le silence et le passage. Peintes sur bois, ses compositions à l’huile captent la lumière avec une justesse remarquable, rendant chaque scène presque intemporelle. Dans registre plus intime, Adam Tarif, artiste genevois autodidacte installé en Australie, présente des scènes colorées autour d’un unique personnage féminin, Jocelyne. Non loin, une œuvre textile de Suldinart brouille les usages : à la fois tapis et tapisserie, elle incarne cette polyvalence chère à la galerie.
Enfin, en vitrine, trône une pièce spectaculaire et ludique : une maison de poupée des années 1960, réappropriée par une soixantaine d’artistes de street art lors d’un festival. Ludo Gabriele l’a transformée en œuvre collective à l’échelle domestique, véritable manifeste miniature de l’art urbain.
En deux ans à peine, Chong Gallery a su s’imposer comme une plateforme de visibilité pour des artistes émergents, tout en cultivant une exigence curatoriale affirmée. À la croisée du street art, de la photographie d’auteur et des formes hybrides, la jeune galerie confirme que l’art urbain a toute sa place dans les espaces d’exposition – pourvu qu’on sache en capter l’énergie, la poésie et la puissance narrative.
L’exposition anniversaire est à voir jusqu’au 15 juillet.