Andreas Eriksson @Espace Muraille

Espace Muraille – Andreas Eriksson

Emilie Bottini
6 février 2023

Espace Muraille consacre une exposition monographique à l’artiste suédois Andreas Eriksson «  It takes two », sous le commissariat de Laurence Dreyfus. L'artiste a exposé à la 54ème Biennale de Venise dans le pavillon nordique.

Andreas Eriksson Espace Muraille

Espace Muraille consacre une exposition monographique à l’artiste suédois Andreas Eriksson «  It takes two », sous le commissariat de Laurence Dreyfus.

L’artiste Andreas Eriksson naîten 1975 à Björsäter, petite municipalité située au sud de la Suède.

A la fin des années 1990, alorsqu’il vit à Berlin, l’artiste commenceà souffrir d'hypersensibilité électromagnétique. Il prend ainsi la décisionde s'éloigner de la villeet des champs électromagnétiques de la vie urbaine. 

Dès lors, il vit et travaille à Medelplana sur la rive du lac Vänern en Suède, son pays natal, dans une maison nichée au milieu de la forêt.

Son travail a été exposé à la 30e Biennale de São Paulo en 2012 et au Pavillon nordique de la 54e Biennale de Venise en 2011. Une importante exposition personnelle de l'oeuvre d'Eriksson a été inaugurée au Skissernas Museum, à Lund, en juin 2021. L'artiste a exposé également lors de diverses autres expositions personnelles notables.

Les œuvres d'Eriksson figurent dans d'importantes collections internationales, dont celles du Centre Pompidou, Paris,du MUMOK, à Vienne, en Autriche, du Nasjonalmuseet, Oslo, en Norvège,du Moderna Museet, Stockholm, en Suède et du X Museum, à Pékin en Chine.

Andreas Eriksson_Espace Muraille©

 

Andreas Eriksson conçoit l’exposition «It takes two» spécialement pour Espace Muraille, avec une toute nouvelle série d’œuvres dédiée à la nuit, «Night Painting».

L’artiste s’imprègne du paysage naturel et brut du sud-ouest de la Suède pour peindre des motifs abstraits, voire métaphysiques. Andreas Eriksson peint des représentations de lieux abstraits, non identifiés et souvent oniriques, dans lesquels le permanent est souvent confronté à l’éphémère.

Les 10 œuvres présentées à cette occasion, qui vont de la sculpture en bronze à l'impression, en passant par le textile et la peinture, sont donc imaginées en différents médiums et en différents formats, allant du format monumental muséal de l’œuvre « Broken Stone » (9m de long) ouvrant l’exposition à des petits formats mettant en lumière les détails les plus fins de la pratique de l’artiste.

“La nuit me fascine par sa capacité à presque suspendre le temps et à piéger la lumière ; La nuit est à la fois troublante et captivante.” - Andreas Eriksson

Andreas Eriksson Espace Muraille

Dans la première salle, l’œuvre monumentale « Broken Stone » réalisée spécialement pour cette exposition dans une vision muséale de la présentation, accueille le visiteur. Imaginée pour casser les codes et ce qui est habituellement convenu dans la planification d’expositions en galerie proposant presque exclusivement des œuvres de taille raisonnable, elle est également un clin d’œil aux pierres qui constituent les murs dans lesquels se situe Espace Muraille. Explorant le rapport à la sensation de la forme, l’artiste s’intéresse au paysage environnant mais ne le reproduit pas, il s’en imprègne émotionnellement pour le retransmettre.

Continuant la visite en se dirigeant vers le sous-sol, le visiteur découvre ce qui ressemble de prime abord à d’étranges petites sculptures en métal posées à même le sol. 

Entrant dans l’univers de l’artiste, on apprend qu’en 2009, Andreas Eriksson a commencé à créer des moulages en bronze de taupinières. Seules manifestations visibles du système souterrain de tunnels dans lequel vivent les taupes, ces sculptures fonctionnent comme un lien avec ce qui se passe sous la terre et Eriksson nous suggère ici que la Terre n'est qu'une autre frontière à briser. Ces sculptures font allusion à la fascination de l'artiste pour le pouvoir incontrôlable et fortuit de la nature.

Andreas Eriksson Espace Muraille

L’espace suivant explore le lien entre deux œuvres réalisées en différents médiums.

Ainsi, la tapisserie «Södra Ström III» donnant une impression de matérialité abstraite, créée avec une multitude de fils différents, toujours dans les blancs, parfois anciens (certains datent du XVIIIe s.) et souvent récupérés, dialogue avec la toile «Semaphore Schiefergrau», dans laquelle l’artiste explore les mêmes couleurs avec des peintures différentes, le tempera, l’acrylique et la peinture à l’huile. 

L'œuvre peinte fait partie de la série Sémaphore de l'artiste, dont le titre fait référence à un système rudimentaire de signalisation ferroviaire composé de panneaux mobiles, système encore utilisé en Suède dans les petites villes comme celle où est établi Andreas Eriksson. Quant à la tapisserie, l’artiste réalise un dessin qui est ensuite tissé par trois personnes sur un métier à tisser pendant près de 600 heures.

Andreas Eriksson Espace Muraille

Trois gravures très douces, réalisées avec un bras mécanique et renvoyant à la géologie de l’Islande guident le visiteur vers le dernier espace de l’exposition.

Toute peinte en blanc, la magnifique salle au plafond en voutes accueille un des chefs d’œuvre de l’artiste. «Texture Mapping», composé de 45 peintures sert ainsi de point d’orgue à l’exposition. Réalisée à partir de cut outs, parties de toile que l’artiste sélectionne dans les peintures qu’il rejette, cette œuvre offre au regard du visiteur une approche attentive de la pratique d’Eriksson et agit comme un résumé concis de sa conception artistique.

Andreas Eriksson Espace Muraille

La salle au plafond en voûtes présente également des sculptures historiques de l’artiste : «A Second Time», réalisées en 2003-2007. Pour la création de cette œuvre iconique, exposée lors de la 30Biennale de São Paulo en 2012 et, en 2008, au Mumok, le musée d’art moderne de Vienne, Andreas Eriksson a choisi une branche qu’il a coupée en deux fragments égaux, puis les a placés dans l'ordre, un fragment vers la droite et un vers la gauche, ce qui lui a permis de construire une œuvre composée de deux arbres, chacun constitué d'éléments de l'original. 

Andreas Eriksson Espace Muraille

La visite de l’exposition dirigée par Laurence Dreyfus (commissaire d'exposition et conseillère pour l'acquisition d'oeuvres d'art, ayant depuis 2015 orchestré plusieurs expositions d’envergure pour Espace Muraille) nous emmène dans un voyage poétique, à la fois coloré et parfois sombre, à travers une nature certes abstraite mais bien présente. 

Ainsi, le visiteur part à la rencontre d’Andreas Eriksson, poète délicat dans créantun véritable dialogue subtilement élaboré avec la nature, produisantdes images à la fois formellement raffinées et émotionnellement évocatrices, équilibrant figuration et abstraction dans une tentative de capturer de manière introspective et poétique les phénomènes fugaces de ses environnements.

Toujours poétique, parfois prenante et souvent suscitant la sérénité, l’introspection et la méditation, l’expérience nous offre un instant de calme dans nos vies frénétiques, une échappée en pleine ville.

 

La Galerie Espace Muraille

Lieu d’exposition singulier dédié à l’art contemporain, Espace Muraille est né de la volonté d’un couple de collectionneurs et mécènes, Caroline et Eric Freymond, de partager avec le plus grand nombre leur passion pour l’art contemporain et pour les artistes. Leur démarche s’inscrit dans une volonté de permettre à un cercle élargi de visiteurs de découvrir des œuvres d’art rarement accessibles au public. 

Après les expositions d’envergure consacrées à Monique Frydman (2015), Tomàs Saraceno (2015), Shirazeh Houshiary (2016), Sheila Hicks (2016), Edmund de Waal (2017), Olafur Eliasson (2018), Espace Muraille a donné plusieurs cartes blanches à des artistes internationaux, de l’israélienne Michal Rovner en 2019, au collectif de créateurs d’objets rares Lignereux ou encore au metteur en scène et artiste visuel Robert Wilson en 2022.

Photos : ©Emilie Bottini pour L'Art A Genève

Pratique :

ANDREAS ERIKSSON – «  It takes two » jusqu’au 15 avril 2023 à la galerie Espace Muraille, à Genève.

https://www.artageneve.com/lieu/galeries/espace-muraille