
Eternity Gallery – Curiosities
A la Galerie Eternity, fraîchement ouverte à la Place Longemalle, l’exposition du mois de mai rend un hommage explicite aux cabinets de curiosités de la Renaissance et des Lumières.
Artistes : Ron Arad, Cristina Babiloni, Lita Cabellut, Nathalie Cohen, Mersuka Dopazo, Adam Handler, Philippe Hiquily, Taher Jaoui, Jae Ko, André Lanskoy, Gi Seong Lee, Lee Gil-Rae, Marcello Lo Giudice, George Morton-Clark, Adrián Navarro, Marc Sijan, Turi Simeti
À la place Longemalle, la fraîchement ouverte Eternity Gallery reprend un concept déjà développé à Miami : un espace en perpétuel mouvement, où les œuvres sont appelées à se succéder, se répondre ou disparaître dans un cycle sans fin. Ce format fluide convoque un rapport renouvelé aux expositions présentées durant quelques semaines seulement, l’accrochage de ces dernières pouvant évoluer au fil des acquisitions des œuvres.
L’exposition du mois de mai rend un hommage explicite aux cabinets de curiosités de la Renaissance et des Lumières. Jadis, on y rassemblait artefacts, coquillages rares, monstres naturalisés, automates et objets improbables. Aujourd’hui, Eternity en propose une relecture contemporaine, fondée sur la surprise visuelle, la recherche formelle et l’obsession matérielle. Comme à l’époque, l’enjeu reste d’« explorer les frontières entre nature et culture, réalité et mythe ».
L’exposition Curiosities rassemble des artistes qui expérimentent les limites de la couleur, de la forme, de la matière. Ainsi, l’artiste espagnole Mersuka Dopazo (1971) colle, assemble, superpose tissus, papiers et fragments collectés pour créer des tableaux monumentaux, naïfs et sophistiqués. La richesse des textures se révèle lorsque l’on s’approche tout près de ses toiles, tandis que de loin, ses compositions colorées éblouissent. Sa compatriote Cristina Babiloni (1983) évoque quant à elle les fonds marins, dans des compositions riches en matières et en pigments dont la surface devient presque corallienne.
La scénographie revendique une grande hétérogénéité, permettant de conjuguer des médiums et des supports variés aux esthétiques parfois antagonistes. La stratégie d’accrochage semble avoir été pensée pour favoriser les rebonds, les collisions esthétiques, les surprises. Ainsi, une immense toile gestuelle de Taher Jaoui (1978) fait face à une œuvre « cartoono-punk » inspirée du street art de George Morton-Clark (1985) ou un étonnant arbre de cuivre réalisé par le Sud-Coréen Lee Gil-Rae (1961).
Les œuvres en trois dimensions ne sont d’ailleurs pas en reste, et, la thématique du cabinet de curiosités l’autorisant tout particulièrement, sculptures et design voisinent et se confondent. Ainsi, une étagère circulaire signée Ron Arad (1951) fait face aux créations de Philippe Hiquily (192-2013) qui, entre arts premiers et design futuriste, imposent leur présence totémique.
La visite se poursuit dans l’espace du sous-sol, où les échos visuels et les gammes chromatiques semblent avoir présidé à la scénographie davantage que la logique chronologique. Jaunes, rouges, orangés, bruns... Deux toiles ornées des calligraphies d’oxyde de fer de Gi Seong Lee (1959) encadrent et résonnent avecc une composition abstraite d’André Lanskoy (1902-1976) datant d’il y a près de 70 ans.
Quelques mètres plus loin, c’est le rose qui domine : les œuvres riches en effets d’optiques de Nathalie Cohen (1970) ou de Lita Cabellut (1961), qui invitent à ralentir le regard, à écouter plus qu’à comprendre, sont ainsi installée face à une toile d’Adam Handler (1986) dont les teintes pastelles et le trait délicat semblent, après réflexion, dériver vers une imagerie enfantine acide.
Les artistes ici réunis n’ont pas pour seul but de séduire : leurs œuvres interpellent, déstabilisent, interrogent. La beauté y est souvent étrange, composite, voire presque parfois inquiétante.Comme dans les cabinets anciens, chaque objet semble porteur d’un secret ou d’un pouvoir narratif.
Eternity Gallery entreprend ainsi de creuser son sillon dans la scène genevoise, en proposant des accrochages exigeants, ouverts à l’expérimentation plastique. Dans ce format mouvant, où l’exposition devient parcours évolutif, le regard n’est jamais figé.
Un lieu à revisiter régulièrement : ce qui est là aujourd’hui ne le sera peut-être plus demain.
Exposition du 8 au 31 mai 2025 https://www.artageneve.com/lieu/galeries/eternity-gallery