
Gilles Furtwängler chez SKOPIA
La galerie Skopia accueille « Musique douce. Disque rayé. Zut. », la nouvelle exposition personnelle de Gilles Furtwängler. La démarche de l’artiste, qui met le texte au centre de son œuvre, est une invitation à se prendre au jeu des mots – et aux jeux de mots.
Musique douce. Disque rayé. Zut.
En quelques mots, le titre de l’exposition consacrée à Gilles Furtwängler (1982) présentée par la galerie Skopia fait surgir une atmosphère, un récit miniature à la fois drôle et absurde. Fonctionnant un peu comme un poème en trois temps, presque un haïku, tout est déjà là : rythme, humour, surprise – le ton est donné !
Gilles Furtwängler développe une pratique qui oscille entre écriture, performance, arts plastiques et son. Ses textes, conçus à l’origine pour être dits à voix haute, scandés lors de lectures performatives, ont peu à peu glissé vers des formes visuelles. L’éphémère de l’oralité s’est mué en œuvres graphiques et picturales. En projetant les mots sur une toile, en les frottant à la couleur ou en les laissant se superposer dans l’espace d’une galerie, il explore d’autres temporalités, où la lecture et la vision deviennent des gestes d’activation. Sous son crayon ou son pinceau, les mots se déploient, se répètent, se cassent et se recomposent. Ils s’animent quand on les lit, quand on les entend, et soudain, ils font surgir des images. L’artiste prend la langue au sérieux, mais sans gravité : il l’empoigne, la plie et la déplie au gré de ses envies, et dans ces glissements naît la poésie à la fois légère et lumineuse qui le caractérise.
La démarche de Furtwängler part toujours du langage. Les mots, il les collecte partout : dans une conversation saisie au vol, au détour d’un slogan publicitaire ou parmi les pages d’un manuel ou d’un roman. Découpés, réagencés, déplacés, ils se mettent à résonner autrement. Le télescopage des registres de langue, les ruptures de rythme ou les associations improbables produisent une poésie du décalage, où le sens se dérobe tout en se multipliant. Ici, une phrase familière devient soudain étrange ; là, un fragment sonore se transforme en pure matière plastique. C’est un travail sérieux, mais traversé d’un humour discret, d’une jubilation à malmener les codes de la communication.
La dimension visuelle est tout aussi essentielle. Les textes s’accompagnent de couleurs franches, de jeux typographiques, de tracés qui soulignent autant qu’ils brouillent. Il y a une double illisibilité, à la fois dans le sens et dans la forme : certains mots disparaissent sous la peinture, d’autres éclatent en signes graphiques presque autonomes. Les matériaux eux-mêmes varient – encre, peinture, crayon et même thé – rappelant que chaque mot est un objet, chaque lettre un dessin. L’artiste joue de cette matérialité comme d’une deuxième voix, complémentaire de celle de la performance.
L’exposition à la galerie ne se limite pas à un accrochage d’œuvres : elle sera ponctuée d’une performance, où l’artiste lira un long poème accompagné de musique. Ce retour à l’oralité, à la présence éphémère de la voix, réactive l’origine de sa démarche et offre une autre porte d’entrée dans son univers.
Au fil de ses créations, Gilles Furtwängler tisse une œuvre où le langage se libère de sa fonction utilitaire pour devenir matière sensible. Un univers où les mots, mis en désordre, réinventent leur propre ordre — et nous invitent, lecteurs ou spectateurs, à les entendre autrement.
Vernissage le mercredi 17 septembre 2025 de 18h à 21h, à l’occasion de la Nuit des Bains.
Performance (lecture, accompagnée de deux musiciens) le samedi 20 septembre à 16h, durée : 30 min
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