The John Armleder et Rob Pruitt Show - VSpace Massimo De Carlo

Il y a deux façons d'apprécier la peinture. 

La première est de la regarder de près, de l’absorber avec ses sens, adorer ses couleurs, ses formes, ses coups de pinceau, passer du temps à côté de celle-ci. 

La seconde, est plus adaptée à la période, et à ce « moment virtuel ». Elle est le fait de voir la peinture et d'y penser subséquemment. Il est indéniable que ce moment dans le temps souligne la qualité conceptuelle de l'art. Nos sens, exceptée la vue, ont été coupés, nous avons, de ce fait, dû mettre encore plus de « matière cérébrale » dans l'intellectualisation des œuvres regardées.

L'une des nombreuses manifestations artistiques organisées pendant la pandémie a été l'exposition dans le nouvel espace de Massimo De Carlo. L'exposition ? Beaucoup d’entre nous nous demandons encore si une présentation virtuelle, en ligne, une forme de V-Space peut être encore nommée « exposition » ? 

Massimo De Carlo possède de nombreux espaces d'exposition dans le monde : Milan, Londres, Hong Kong. 

En raison des circonstances dont nous avons tous connaissance, Massimo De Carlo a été contraint cette fois de trouver un nouveau nid afin de montrer les oeuvres des artistes. La présentation était spontanée, en ligne, dans la galerie «VSpace Massimo De Carlo», elle était intitulée : «The John Armleder and Rob Pruitt Show». L’évènement a touché de nombreux  visiteurs-internautes partout dans le monde. 

John Armleder (Geneva, 1948) a exposé ses peintures - joyeuses, provocantes, expérimentales, colorées – il aurait été certes, mieux de les regarder en vrai. A ses débuts, l'artiste avait une forte association avec Fluxus : accentuation du processus artistique sur le produit fini, l'humour spécifique (pour ne pas mentionner le titre de l’une de ses oeuvres - une « peinture de flaque ») et une distance avec l'art traditionnel. 

L'artiste combine souvent de grandes quantités de peintures à base de médiums qui réagissent de manière imprévisible ; il jette par exemple des paillettes et autre bric-à-brac sur des flaques humides. La question physique est fortement soulignée par l'artiste qui verse de la peinture d’en haut sur les toiles, il profite ainsi de la force de gravité : le geste pictural devient accident (et vice versa). La variété de ses approches - installations, performances, musiques, sculptures et peintures - tout comme son style sophistiqué et individuel ont fait de lui l'un des artistes les plus représentatifs de sa génération et une figure clé de l'histoire de l’art suisse. 

«The John Armleder et Rob Pruitt Show», l’unique peinture de John Armleder nous invite à nous y plonger, et, il faut l'avouer, c’était dommage de ne pas pouvoir être réellement devant la peinture. Ce plaisir a été apprécié en début d’année par les visiteurs de l'exposition à Hong Kong «Clown's Way» qui s’était tenue dès le 9 janvier 2020.

Le deuxième artiste, Rob Pruitt (1964), est un artiste post-conceptuel américain qui utilise surtout le médium de la peinture mais pas seulement puisqu’il a travaillé également l’installation, la sculpture. Aujourd’hui l’artiste se sert principalement de la peinture mais ne se fie pas à un seul style, ne sert pas que d’un unique médium. Ses approches sont plurielles. Il considère son travail dans l’intensément personnel et biographique. Rob Pruitt  est surtout connu pour ses peintures « Panda » (toiles à grande échelle représentant des pandas rendus en paillettes noires et blanches). Toutefois, durant l’exposition virtuelle, nous avons pu voir un autre aspect de sa créativité. « Describing his own work as populist, Pruitt has said that his pieces are «basically blown-up versions of dining table craft projects».  He continues, «I’ve really enjoyed letting the world know that not everything is so mystified or so regulated to expertise—that you can make something really beautiful with a little ingenuity and some supplies from Michael’s».*

Il traduit son expérience personnelle par des déclarations politiques plus larges, tout comme Armleder, il est éclectique, «drôlement» critique et ironique (nous soupçonnons également que Pruitt produise son art sans le moindre regard ironique, étant seulement conscient de la quête de la vertu intérieure). On dit de lui qu’il agit comme un conduit, mélangeant les images de la culture de masse à la production artistique (https://frieze.com/article/rob-pruitt) - c'est peut-être la raison pour laquelle il est accueilli avec beaucoup de critiques. Son combat rebelle contre les préjugés de la culture populaire rencontre, ce qui ne surprend pas, un mur épais. 

Toutefois, il serait difficile de trouver un meilleur duo pour une exposition de peinture en ligne ! Ironique (ouvertement ou caché), digne mais courageux, espiègle et ultra-moderne (frais). Les deux artistes invités admettent puiser l'inspiration ainsi que les matériaux dans des lieux ordinaires et quotidiens (transférant le sens des matériaux au processus de création) et, bien que ce soit à peine visible à première vue, leurs approches créatives sont similaires. Aussi, les deux artistes souscrivent à l'attitude habilitante du «bricolage» dans la création artistique.

*(http://www.artnet.com/artists/rob-pruitt)

https://www.massimodecarlo.com/

https://www.artsy.net/show/massimo-de-carlo-the-john-armleder-and-rob-pruitt-show-vspace