MEG : Les Archives de la diversité humaine

Cerise Dumont
6 mai 2025

Qu’est-ce que la mission d’un musée d’ethnographie aujourd’hui ? C’est à cette question complexe que le MEG s’attache à répondre en remaniant son exposition permanente.

À l’occasion des 10 ans de l’exposition permanente « Les Archives de la diversité humaine », le  Musée d’ethnographie de Genève (MEG) revisite sa manière de présenter ses collections. L’institution réaffirme sa volonté de faire du musée non plus un simple conservatoire d’objets, mais un véritable espace de dialogue, de partages, de débats, voire de controverses.

Qu’est-ce que la mission d’un musée d’ethnographie aujourd’hui ? C’est à cette question complexe que le MEG s’attache à répondre en remaniant son exposition permanente. À travers son nouveau prologue, intitulé « Rencontres », le Musée choisit d’incarner un espace d’exposition vivant, conçu pour mettre en valeur l'interaction entre les collections muséales et les membres des communautés d'origine de ces mêmes objets. 

Au cœur de cette nouvelle introduction, douze artistes, intellectuels et activistes, issus des quatre coins du monde ou installés à Genève, ont été invités à choisir chacun un objet dans les collections du musée. Ces choix, profondément ancrés dans leur culture d'origine, donnent lieu à une série de témoignages personnels qui interrogent la mémoire, l'identité, l'héritage et le rapport émotionnel aux objets.

Le dispositif scénographique est délibérément simple : chaque invité est filmé en format vertical, façon smartphone, dans des vidéos immersives où leurs commentaires s’affichent au bas de l’écran. À côté, des vitrines présentent les objets sélectionnés. Sur les murs qui délimitent l’espace, de grands portraits photographiques réalisés par Jonathan Wattsprolongent l'expérience, ancrant les récits et les objets dans une présence humaine forte. Au-dessus flottent des mots-clés tirés de leurs discours « Transmission », « Dialogue », « Partage », « Consentement », etc., de façon à rendre visibles leurs voix.

La scénographie, pensée en six îlots comme des "arènes de discussions", veut recentrer l’attention sur les personnes plutôt que sur les objets. Le musée propose ainsi un renversement de perspective : il ne s'agit plus de contempler les objets décontextualisés, mais de comprendre les liens qui unissent les individus à ces artefacts. 

Le processus de création de l'exposition, basé sur l’écoute et le respect du rythme des participants, a été tout aussi important que le résultat visible aujourd'hui. Le MEG inscrit sa démarche dans une réflexion critique sur la place des musées ethnographiques aujourd'hui. Comment exposer des objets sensibles (restes humains, objets sacrés, biens acquis de manière contestable) sans reproduire des logiques coloniales ? Comment donner une vraie place aux émotions, aux voix et aux regards des descendants ?

Du côté des « Archives de la diversité humaine », le musée a ainsi choisi de remplacer certains objets sensibles par des textes explicatifs qui exposent les enjeux éthiques liés à leur présentation. La narration n’est plus exclusivement muséale : les communautés d’origine deviennent coproductrices du discours.

Par ailleurs, 600 objets ont été retirés de l’exposition permanente pour des raisons de conservation, tandis que 282 œuvres sont désormais mises en scène, dans un parcours plus aéré où les cultures populaires occupent une place renforcée.

Enfin, un nouveau parcours enfants a été développé, pensé à leur hauteur et adapté à leur regard curieux, pour permettre dès le plus jeune âge une rencontre sensible et respectueuse avec la diversité des cultures.

Le MEG propose ainsi bien plus qu’une exposition : il invite chacun à se décentrer, à écouter l’autre et à envisager autrement le rôle du musée, entre héritage, transmission et transformation. 

https://www.artageneve.com/lieu/musees-fondations/meg-musee-dethnographie-de-geneve