PACE – 65 Years

Cerise Dumont
25 juin 2025

À Genève, la galerie Pace fête ses 65 ans avec un show collectif qui revient sur ses artistes phares et ses engagements historiques. Rassemblant des figures majeures de l’art moderne et contemporain, l’exposition anniversaire mêle peintures, sculptures, dessins, installations et photographies dans un dialogue entre passé et présent.

Artistes : Lynda Benglis, Alexander Calder, Mary Corse, Huong Dodinh, Jean Dubuffet, Nathalie Du Pasquier, Robert Frank, Adolph Gottlieb, Kevin Francis Gray, Robert Longo, Agnes Martin, William Monk, Robert Nava, Louise Nevelson, Oldenburg/van Bruggen, Paulina Olowska, Adam Pendleton, Pablo Picasso, Richard Pousette-Dart, Robert Rauschenberg, Michal Rovner, Lucas Samaras, Joel Shapiro, Antoni Tàpies, Lee Ufan.

Fondée à Boston en 1960 par Arne et Milly Glimcher alors qu’ils étaient encore étudiants, Pace Gallery s’est imposée en quelques décennies comme un acteur central du marché de l’art international. L’exposition anniversaire Pace : 65 Years, présentée actuellement à Genève, se veut une synthèse — non exhaustive mais soigneusement composée — de cette trajectoire, articulée autour d’un accrochage à la fois ouvert et exigeant.

Dès l’entrée, une sculpture de Lynda Benglis capte le regard. Cette pièce dorée aux formes organiques, semblable à un tourbillon figé, évoque une vague ou une aile, avec ses contours dentelés et sa brillance baroque. Ce souffle inaugural donne le ton d’une sélection volontairement hétérogène mais cohérente, où chaque œuvre incarne un moment, un geste, un lien durable avec la galerie. 

À proximité, deux œuvres de Huong Dodinh attirent l’attention par leur douceur feutrée : des paysages quasi abstraits, composés de pigments naturels sur papier monté sur bois, où l’on devine des formes géologiques ou des masses rocheuses. Ces tableaux voisine avec un très beau Jean Dubuffet datant des années 1950, peint dans des tons marron-pourpres et présentant une texture tout en reliefs, typique du vocabulaire brut et expressif de l’artiste. 

À quelques mètres de là, un dessin de Pablo Picasso, intitulé Femme assise, représente une figure féminine nue, recroquevillée sur un lit. Le trait rapide et incisif vient révéler un regard aigu porté sur l’intimité et le corps. Adolph Gottlieb, quant à lui, est représenté par une gouache sur papier en quadrillage irrégulier, chaque case contenant une forme abstraite dans des rouges, noirs et blancs tranchés. Accrochée non loin, une grande toile de Robert Rauschenberg mêle vieilles photographies bleutées, une tête antique en rouge et de larges coups de pinceaux jaunes. Cette superposition de couches et d’images illustre parfaitement son langage visuel complexe, à mi-chemin entre collage et peinture.

Plusieurs œuvres de Lucas Samaras, artiste historique de la galerie, viennent ponctuer l’exposition : une boîte en bois à tiroirs remplie d’objets hétéroclites (fils de laine colorés, éclats de verre, petits jouets), un Polaroid, et un dessin à l’encre jouant avec des lettrages sur fond bleu clair. À sa manière, chaque pièce condense l’univers personnel de l’artiste, fait de mystère, d’intimité, et de bricolage poétique.

Lee Ufan est présenté notamment avec une grande toile intitulée Correspondance, où sept taches peintes au pinceau se détachent sur un fond blanc. Sa sobriété fonctionne parfaitement avec sa voisine, une œuvre lumineuse de Mary Corse prenant la forme d’un carré de plexiglas intégrant un tube de néon, produisant une lumière subtile dont le mouvement semble lié au gaz contenu. Dans cette pièce à l’épure radicale, la lumière devient matière.

L’artiste polonaise Paulina Olowska, qui avait conçu et présenté une exposition dans les murs de la galerie genevoise en début d’année, est également présente.  Dans une petite toile à la présence affirmée, elle introduit une tension entre figuration, ironie et hommage

Une grande sculpture noire de Louise Nevelson, faite de modules de bois assemblés en structure oblique, évoque un meuble ou une étagère déstructurée. L’ensemble, peint en noir mat, joue sur les ombres et les vides, dans une monumentalité silencieuse. Non loin, une petite sculpture de fleur signée Oldenburg / van Bruggen se présente comme une étude préparatoire à une pièce de plus grande envergure. Un peu plus loin, une pièce d’Alexander Calder, installée au centre de la salle, dont l’équilibre subtil donne à la pièce un mouvement suspendu, presque musical. 

Dans le bureau, le ton change légèrement : la photographie y prend une place centrale. Plusieurs images de Robert Longo ainsi que des clichés emblématiques de Robert Frank, ponctuent les murs avec intensité. Une sculpture de Kevin Francis Gray mêle marbre et bronze pour représenter une figure humanoïde au traitement de surface particulier, creusé et rugueux, comme usé ou rongé, donnant au marbre l’aspect de la porcelaine. L’espace du bureau abrite enfin trois œuvres d’Adam Pendleton issues de la série Systems of Display sont visibles à l’arrière : encre sur miroir et plexi, jeu typographique et graphique entre avant et arrière-plan, elles évoquent une forme d’archivage futuriste où la lettre devient surface picturale.

Avec Pace : 65 Years, la galerie ne se contente pas de revenir sur son passé : elle montre au contraire combien cet héritage reste vivant, activable, en dialogue permanent avec les formes du présent. L’exposition offre un portrait en mouvement d’un demi-siècle de création — et une invitation à en imaginer la suite.

crédit photo : Annik Wetter

jusqu'au 9 août 2025

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