Doris Stauffer

par Nafsika Guerry
15 avril 2019

Je peux faire disparaître un lion, Doris Stauffer, au Centre Culturel Suisse, Paris

C’est dès les années 50 que Doris Stauffer défend la position de la femme. Un sujet qu’elle aborde pleine d’ironie et de franchise. L’œuvre est absurde et engagée. Elle est une figure majeure de l'activisme féministe dans l'art des années 1970 en Suisse.

L’exposition que lui consacre le Centre Culturel Suisse à Paris est la première exposition d’ordre institutionnelle. Elle donne à voir de nombreuses œuvres issues de collections privées et publiques telles que des dessins, des sculptures, des installations, des documents d’archives.  Autant d’œuvres qui retracent de façon imagée et esthétique le travail de l’artiste. 

L’exposition transmet simplement et directement son engagement dans la lutte pour l’égalité homme – femme. Elle dévoile également le côté plastique et poétique des œuvres.

La sculpture suspendue qui trône au milieu de la pièce oblige le visiteur à parcourir les œuvres de façon circulaire. Ainsi on se rend compte de la boucle que forment les oeuvres de Doris Stauffer. On ne peut attribuer plusieurs périodes à son travail, il n’y a pas de limite prédéfinie. L’engagement devient esthétique, la forme plastique, poétique ou ; l’esthétique est plastique, la poésie est engagée ; ainsi de suite. 

Doris Stauffer sollicite le regardeur, il doit s’approcher pour regarder à l’intérieur des boîtes noires, il doit reculer pour les diapositives ou s’approcher encore plus pour lire des mots. La plasticienne ne cesse de nous questionner. En faisant participer par le corps, le visiteur, elle le rend actif et donc d’une certaine manière engagé. 

Cet engagement passe par le corps, c’est certain, le corps en mouvement de la femme, le corps de l’artiste elle-même, Doris a du se battre pour se défaire de son statut de femme au foyer, pour s’affirmer en tant que « …femme, indomptée, en colère, joyeuse et immortelle »*.

Doris Stauffer commence par constituer des assemblages avec ce qu’elle trouve autour d’elle, des éléments du foyer. Dans un premier tant, les œuvres de l’artiste ne seront pas considérées. Pourtant c’est une réalité que Doris Stauffer propose de regarder.

En 1960, Doris Stauffer crée le FBB (mouvement de libération de la femme). Elle entreprend son engagement pour l’égalité, en insistant sur deux points : la loi et la société.

Elle dispense ensuite un cours de « teamwork » à l’école des arts appliqués de Zurich, de laquelle elle se fera rapidement licenciée, ses cours reposant sur une remise en question de la concurrence, de l’individualisme comme moteurs de la création, et dans lesquels elle encourage tout type de formes d’expression.

En 1977, les premiers cours de sorcières sont donnés à la F+F par Doris Stauffer. Elle signale ici l’importance d’espaces réservés aux femmes. Elle crée, en 1978, un atelier pour les femmes. 

Son travail fait aujourd’hui écho à plusieurs mouvements, associations dans le monde. Il est aussi remis en question par les Gender Studies.

En 1980, Doris Stauffer se retire de ses activités publiques pour se consacrer avec sa fille à la production de « Eat-Art », pains d’épices décorés de formes inhabituels comme des sorcières ou des dragons.

C’est 2015 seulement que Doris Stauffer est enfin reconnue pour son œuvre et sa lutte. Elle décède peu après.

 

*phrase complète «  Tu es une sorcière si tu es femme, indomptée, en colère, joyeuse et immortelle ». Définition de « sorcière », parue dans la revue du groupe féministe américain WITCH =Women International Conspiracy from Hell, activist feminist group, repris par Doris Stauffer dans ses notes et dans ses « cours de sorcières ». Phrase parue dans la publication du CCS 2019, exposition Doris Stauffer

Figure majeure de l'activisme féministe dans l'art des années 1970 en Suisse, Doris Stauffer est née en 1934 à Zurich et décède en 2017.

Pratique : Doris Stauffer – Je peux faire disparaître un lion – du 31 mars au 12 mai 2019.

Centre Culturel Suisse – 38 Rue des Francs Bourgeois – 75003 Paris