René Groebli

Emilie Bottini
29 septembre 2021

Icônes & Inédits. Cette rétrospective présente les images icôniques de René Groebli ainsi que des photographies inédites que l’artiste zurichois de 92 ans a redécouvertes ces derniers mois dans ses archives.

René Groebli « cultive le flou, le provoque, le contrôle et comprend qu’en photographie, le flou peut être une écriture forte du mouvement, pour autant qu’il soit associé à une grille de lecture incontestable : l’effet de netteté. »

C’est sous cette perspective que nous abordons l’œuvre de ce grand photographe et photojournaliste suisse né à la fin des années 20 (le 9 octobre 1927) à Zürich. Également actif dans la photographie industrielle et publicitaire, Groebli est un pionnier de la représentation du mouvement et de l’exploration de techniques de photographie totalement novatrices. D’abord adepte du noir et blanc, ses ouvrages en couleur aux techniques expérimentales lui valent une renommée internationale. L’œuvre de Groebli peut ainsi être parcourue, thème par thème et technique par technique, comme une sorte d’histoire de la photographie.

René Groebli grandit dans le quartier Enge à Zurich, où il effectue ses études secondaires au Langzeitgymnasium. Âgé de 15 ans, il commence à photographier avec le Rolleiflex de son père. René entreprend des études dans une école à vocation scientifique, mais réalise qu’il désire être caméraman. Aucune formation n’existe alors, et le futur artiste commence un apprentissage de photographe avec Theo Vonow à Zurich, dès1944. En 1945, il suit la classe préparatoire de la Haute École d'art de Zurich (Kunstgewebeschule) et s'inscrit par la suite dans la classe de photographie, où il va suivre l'enseignement de Hans Finsler. René y rencontre Rita Dürmüller (1923-2013), sa future épouse. Jusqu’en 1948, Groebli continue sa formation de caméraman à Central Film et Gloria Film à Zurich, obtenant son diplôme. 

Déjà lors de sa formation, l’artiste se sent attiré par la photographie au dépend du cinéma, délaissant ensuite le 7eArt pour se concentrer totalement sur la photo.

En 1945, il travaille ainsi sur le thème « Zurich à l’heure de pointe » entre 9 et 12 heures, et commence ses recherches sur le mouvement. Très précoce, à tout juste 20 ans, Groebli organise sa première exposition personnelle et remporte en 1947 le troisième prix du concours de la revue Camera à Lucerne, avec sa série « Karussell ».

En 1949, René Groebli commence une carrière de photographe indépendant. Collaborant avec l'agence Victor-N. Cohen à Zurich, il travaille comme photojournaliste et effectue des reportages pour l'hebdomadaire Züri-Woche, l'agence américaine Black Star. Les réalisations de Groebli sont régulièrement publiées dans les magazines Life,Picture Post, Illustrated et Time, entre autres. Il acquière son premier Leica et publie un petit livre, auto-édité, « Magie der Schiene ». Comprenant 16 photographies réalisées avec un Rolleiflex de moyen format (6 × 6)et un appareil Leica 35 mmlors d’un trajet en train de nuit Paris-Zurich, cet ouvrage-portfolio sélectionne des images, souvent floues et granuleuses, transmettant l'énergie et capturant l’essence des voyages en trains à vapeur à la fin des années 1940. Son étude du mouvement continue.

© rene groebli

Le 13 octobre 1951, René se marie avec Rita Dürmüller. Il voyage et travaille en Iran, Irak, Jordanie, Ethiopie, Soudan, Ouganda, Egypte, où il est le seul photographe présent à la bataille d’Ismaïlia. Son reportage le révèle au monde entier. Il est à la fois le fait du hasard et de l’intuition de l’artiste, seul photographe ayant décidé de rester sur place alors que la tension politique semblait être retombée. Un an plus tard, Groebli commente son aventure d’un point de vue professionnel, en parlant de dynamique, de contemplation, pour décrire ce reportage violent qu’il envisage lui comme une documentation photographique d’un moment captivant, précis. Il traite de de technique, la narration de l’instant se faisant par le mouvement, ainsi que par la simple description des objets ou des corps inertes qui peuplent ses réalisations. René se distingue ainsi des autres photoreporters dans sa vision, raison pour laquelle il ne répètera pas l’exercice.

© rene groebli

Continuant son travail de recherche, touchant à un thème nouveau, Groebli publie en 1954 un second petit livre, également auto-édité, intitulé Das Auge der Liebe (L'Œil de l'amour). L’ouvrage rassemble les photographies prises en France au cours de sa lune de miel avec Rita, son épouse.La publication de ces photographies intimes a suscité une certaine controverse, mais a toutefois attiré l'attention sur l’artiste. René dépeint Rita, de façon émouvante, délicate et à la fois empreinte d’un érotisme un peu gauche, témoin de l’authenticité des sentiments de l’auteur pour sa compagne, plongeant le spectateur dans un univers intime, doux et sensuel.

© rene groebli

Groebli décide alors de renoncer au photojournalisme et crée son propre studio pour se consacrer à la photographie publicitaire et à la photographie industrielle. Il se spécialise dans la photographie couleur et expérimente le procédé du dye-transfer, en en devenant un spécialiste. L’année suivante, René participe à « The Family of Man », une exposition itinérante organisée par le MoMA de New York. Ses travaux avant-gardistes lui permettent d’obtenir le prestigieux titre de Master of Color qui lui est décerné par le Color Annual de Popular Photography en 1957. L’artiste poursuit ensuite ses recherches sur les procédés couleur dont il assume le développement : dye transfer, ektachrome, anscochrome, cibachrome, etc.

© rene groebli

Les années 1970-1980, marquent le retour de l’artiste vers des essais artistiques en noir et blanc. À l'automne 1978, il séjourne longuement à New York pour explorer la ville pour lui-même, en toute liberté. La série Babylon-Babylon voit ainsi le jour. René produit des images sombres, sceptiques, marquées d’une vision introvertie et mélancolique de cette ville dure et extravertie. Le photographe met en scène l’ambiance surréaliste, parfois agrémentée de photomontages avec des icônes de l’imagerie américaine superposées en couleur vives, telles que Donald Duck ou un hamburger. Le spectateur ressent alors toute la dualité du travail réalisé à New York, que la ville submerge et rejette en quelque sorte l’artiste. 

À partir des années 1990, René Groebli se plonge dans son passé et entreprend de revisiter ses archives accumulées au cours de soixante années d'une vie entièrement consacrée à la photographie. Il se consacre également à une exploration de nus féminins.

L’artiste reçoit ensuite diverses distinctions, telles que le Schweizer Fotoschaffen Photo 06 Lifetime Award, ainsi que le Lifetime Award de l'Académie suisse de photographie.

© rene groebli

Rien ne serait donc gratuit dans les photographies de René Groebh, très techniques et très pensées ; il s'adresse à nous de manière simple et franche. Sa fantaisie très libre s'exprime dans nombre de ses séries, à travers ses visions surréelles mêlant érotisme, nature, architecture et objets.

 

Commissaire de l'exposition : Michèle Auer, Fondation Auer Ory pour la photographie.

Cette exposition est réalisée par l’association Lumen au Commun, Bâtiment d’Art Contemporain (BAC), dans le cadre de la Biennale de la photographie NO’PHOTO.

 

Catalogue journal de l'exposition René Groebli : 

Éditions Fondation Auer Ory - 64 pages en quadrichromie

250 photographies n/b et couleur Format A3  -  Prix : 30 CHF / 28 €
Textes de Michèle Auer, Daniel Blochwitz, Victor N. Cohen, Alexandre Fiette,
René Groebli, Walter Laübli et Pascal Nordmann.

 

Pratique :

René Groebli - Icônes & Inédits

Du 17 septembre au10 octobre 2021 à Le Commun, Bâtiment d’Art Contemporain (BAC) – 28, rue des Bains, CH-1205 Genève 

ouvert du mardi au dimanche de 11h à 19h.

Téléphone +41 (22) 751 27 83 – Entrée libre.