Erik Bulatov

SKOPIA rend hommage à Erik Bulatov

Pierre-Henri Jaccaud
13 novembre 2025

Erik Bulatov
Sverdlovsk 1933 - Paris 2025

Skopia a le regret d'annoncer le décès d'Erik Bulatov à 92 ans.

I’m going, 1975, oil on canvas, 230 x 230 cm

Né en 1933 à Sverdlovsk en URSS (aujourd'hui Ekaterinbourg en Russie), Erik Bulatov a été reconnu comme l'un des artistes les plus importants de Russie de la fin du 20e jusqu’à nos jours. Sa vie et sa carrière reflètent les nombreux bouleversements de l'histoire européenne et mondiale.

Erik Bulatov a étudié à l'École secondaire d'art de Moscou (1947-52), puis à l'Institut d'art Surikov de Moscou (1952-58). Il est très vite devenu l'un des étudiants les plus doués et les plus reconnus de sa génération, mais son refus d'accepter les conventions imposées par le système communiste lui a valu d'être ostracisé : considéré comme un non-conformiste, il a été complètement interdit d'exposition. Pour survivre, lui et un ami artiste, Oleg Vassiliev, deviennent illustrateurs de livres pour enfants. Cette activité lui vaut une reconnaissance remarquable dans ce domaine et lui permet de poursuivre son travail de peintre, mais sans pouvoir exposer ses œuvres.

Window, 1998, pencil on canvas, 220 x 175 cm

A l’époque soviétique, entouré par quelques artistes, mais relativement seul et incompris pour l’originalité de son travail, il sera toujours respecté pour son intégrité, devenant une sorte de référence pour les jeunes générations, ne faisant aucune compromission politique ou artistique, indépendamment des risques que cela pouvait comporter. Pour lui, seule la liberté de penser et de faire importait.

Indifférent aux étiquettes et aux classements trop vite et paresseusement attribués (Sots Art ou Conceptualisme Moscovite), totalement sourd aux polémiques, mais exigeant sur le plan artistique, il était un peintre obsédé par les questions éternelles de l’espace et la lumière du tableau, tout en désirant témoigner de son temps.

Winter, 1996-1997, oil on canvas, 200 x 200 cm

En 1988, à l'âge de 55 ans, il peut montrer son travail au public pour la première fois dans le cadre d'une exposition personnelle à la Kunsthalle de Zurich. Quelques mois plus tard, la même année, il participe à « Ich lebe - ich sehe » au Kunstmuseum de Berne, aux côtés d'autres artistes russes « non conformistes » (Ilja Kabakov, Oleg Vassiliev, Vladimir Yankilevsky et Grisha Bruskin, entre autres). Ces deux expositions vont avoir un impact majeur sur sa carrière. Il dira en souriant: la Suisse est ma deuxième patrie. Toujours en 1988, il est nommé Artiste de l'année par l'UNESCO.

À partir de là, son travail acquiert une reconnaissance internationale et il enchaîne les expositions personnelles, d'abord en Europe : Portikus à Francfort, Centre Pompidou à Paris, Kunstverein à Bonn, de Appel à Amsterdam, ICA à Londres (1988), puis aux États-Unis : List Visual Art Center à Boston, Newport Harbor Art Museum à Newport Beach, Université de Chicago (1989). 

Krasikov street, 1977, oil on canvas, 150 x 198,5 cm

Il quitte l'URSS en 1989 et, après un bref séjour à New York, s'installe à Paris en 1991, où dès lors il a vécu et travaillé. 

En 2006, la galerie Tretiakov lui offre une première grande rétrospective, lui permettant d’accéder à la reconnaissance publique et officielle en Russie. Celle-ci sera suivie par une importante exposition au Manège de Moscou en 2014, puis au Garage en 2015 et au Multimedia Art Museum en 2024, toujours à Moscou. En parallèle, en Europe occidentale, il sera invité en 2007 au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, au Mamco de Genève en 2009, suivront des expositions au Nouveau Musée National de Monaco en 2013 et à la Tate Modern à Londres en 2017.

Wanted to make it by dark, but was too late, 2002, oil on canvas, 200 x 200 cm

Extrait d’un texte et d’une interview entre Erik Bulatov et Karine Tissot, historienne de l’art

…. Ce n’est en effet pas « sur » la toile qu’il se passe quelque chose, mais « dans » la toile. Si ses peintures sont grandes, carrées, colorées, elles s’ouvrent avant tout sur des perspectives dynamiques qui engagent le regard dans la profondeur du tableau et invitent à une expérience physique, et partant métaphorique. Car l’ouverture percée dans la toile est une expression de la liberté : le ciel cotonneux est liberté, le noir profond est liberté, le paysage est liberté, les mots sont liberté. « Pour moi, le tableau représente le modèle de l’univers. Sa place se trouve entre moi et ce monde extérieur […] ».

 

Skopia is sad to announce the passing of Erik Bulatov.

Moscow window, 1995, oil on canvas, 190 x 140 cm

Born in 1933 in Sverdlovsk, USSR (now Yekaterinburg, Russia), Erik Bulatov has been recognized as one of Russia's most important artists from the late 20th century to the present day. His life and career reflect the many upheavals in European and world history.

Erik Bulatov studied at the Moscow Secondary Art School (1947-52) and then at the Surikov Art Institute in Moscow (1952-58). He quickly became one of the most talented and recognized students of his generation, but his refusal to accept the conventions imposed by the communist system led to his ostracism: considered a nonconformist, he was completely banned from exhibiting his work. To survive, he and a fellow artist, Oleg Vassiliev, became illustrators of children's books. This activity earned him remarkable recognition in this field and allowed him to continue his work as a painter, but without being able to exhibit his works.

The vault of Heaven, 2007, oil on canvas, 200 x 200 cm

During the Soviet era, surrounded by a few artists but relatively alone and misunderstood for the originality of his work, he was always respected for his integrity, becoming a kind of reference for younger generations, making no political or artistic compromises, regardless of the risks this might entail. For him, only freedom of thought and action mattered.

Indifferent to labels and classifications that were too quickly and lazily assigned (Sots Art or Moscow Conceptualism), completely deaf to controversy, but demanding on an artistic level, he was a painter obsessed with the eternal questions of space and light in painting, while also wanting to bear witness to his time.

Petit pont dans la forêt, 2015-2016, oil on canvas, 135 x 80 cm

In 1988, at the age of 55, he was able to show his work to the public for the first time in a solo exhibition at the Kunsthalle in Zurich. A few months later that same year, he took part in “Ich lebe - ich sehe” at the Kunstmuseum in Bern, alongside other “non-conformist” Russian artists " (Ilja Kabakov, Oleg Vassiliev, Vladimir Yankilevsky, and Grisha Bruskin, among others). These two exhibitions would have a major impact on his career. He would say with a smile: Switzerland is my second home. Also in 1988, he was named Artist of the Year by UNESCO.

From then on, his work gained international recognition and he had a series of solo exhibitions, first in Europe: Portikus in Frankfurt, Centre Pompidou in Paris, Kunstverein in Bonn, de Appel in Amsterdam, ICA in London (1988), then in the United States: List Visual Art Center in Boston, Newport Harbor Art Museum in Newport Beach, University of Chicago (1989). 

Natasha, 1978-1979, oil on canvas, 260 x 200 cm

He left the USSR in 1989 and, after a brief stay in New York, settled in Paris in 1991, where he has lived and worked ever since. 

In 2006, the Tretyakov Gallery held its first major retrospective, bringing him public and official recognition in Russia. This was followed by a major exhibition at the Manege in Moscow in 2014, then at the Garage in 2015 and the Multimedia Art Museum in 2024, also in Moscow. At the same time, in Western Europe, he was invited to the Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris in 2007 and the Mamco in Geneva in 2009, followed by exhibitions at the Nouveau Musée National de Monaco in 2013 and the Tate Modern in London in 2017.

La Porte de Velazquez, 2019, oil on canvas, 200 x 150 cm

Excerpt from a text and interview between Erik Bulatov and Karine Tissot, art historian.

... It is not “on” the canvas that something happens, but “in” the canvas. Although his paintings are large, square, and colorful, they open up above all to dynamic perspectives that draw the eye into the depth of the painting and invite a physical, and therefore metaphorical, experience. For the opening pierced in the canvas is an expression of freedom: the cottony sky is freedom, the deep black is freedom, the landscape is freedom, the words are freedom. “For me, the painting represents the model of the universe. Its place is between me and this outside world [...]”.

 

Texte de Pierre-Henri Jaccaud - 9 novembre 2025 - https://www.artageneve.com/lieu/galeries/skopia