Trevor Paglen chez Pace

par Nafsika Guerry-Karamaounas
26 septembre 2019

Trevor Paglen présente douze photographies à la Pace Gallery, The Shape of Clouds.

A l’heure où tout devient sujet au « cyber » - cyberculture, cyber infomatisation, cyber technologie, ou sujet de « data », Trevor Paglen, choisit comme de nombreux artistes contemporains de s’appuyer sur la science, principalement, pour créer et s’engager. La tendance est donnée. Elle se justifie sans doute aujourd’hui par la situation qui ne cesse de nous échapper. Qu’il soit question d’environnement ou d’informatique, l’interrogation est la même -  jusqu’où ira-t-on ?  

Trevor Paglen suggère cette dérive aux travers de ses œuvres mais n’apporte pas de réponse - qui peut savoir réellement ?  

Trevor Paglen  CLOUD #865 Hough Circle Transform, 2019 Dye sublimation print 60 x 48 in.  ©Trevor Paglen Courtesy of: the Artist and PACE Gallery

L’artiste américain a également une approche journalistique de son sujet. Ce dernier a déjà écrit cinq livres dont le premier porte sur les rouages de la CIA. Tous ses sujets s’appuient sur des thèmes sensibles, occultés – théorie des symboles militaires, géographie expérimentale, secrets d’état, etc.

Paglen est captivé par ce qui est souterrain, par ce qui est indicible. Avec ses œuvres il met en lumière ce "Qui es-tu". 

Son exposition à la Pace Gallery de Genève présente une série de douze photographies ainsi qu’une video. 

 ©Annik Wetter

The Shape of Clouds révèle le travail des machines utilisées par les gouvernements ainsi que les entreprises privées à des fins de surveillance dans le but d’adapter le comportement et la pensée humaine. 

©Annik Wetter

La brutalité du sujet est amenée par l’artiste à la manière du sujet c’est à dire de façon très sournoise. L’accusation d’un monde où la liberté d’expression tend à se restreindre, où le contrôle informatisé contraint et conditionne l’homme, s’intensifie devant la série de visages masqués par un carré blanc – l’homme perd son identité, se conformise. On imagine les lignes tirées à même les icones comme des repères afin d’identifier au mieux les comportements pour en faire des personnes « normcore » à tous les niveaux. 

Trevor Paglen  CLOUD #135 Hough Lines, 2019 Dye sublimation print 48 x 65 in.  ©Trevor Paglen Courtesy of: the Artist and PACE Gallery

La latence des œuvres est encore plus fortement ressentie à travers la série des nuages. En effet, d’un premier abord, les tableaux semblent plus abstraits mais le discours est à l’image de ce qu’il représente ; l’informatisation est abstraite. Qui peut dire exactement où sont stockées les données des « clouds » ? De quelle manière  ? Sont-elles protégées ? L’impression de grande liberté qu’offrent les images vastes du ciel de Paglen dénonce une incompréhension générale et dans un même temps un contrôle très minutieux, méthodique et quasi absolu. Le « cloud » a quelque chose de l’ordre du divin.

Trevor Paglen  CLOUD #211 Scale Invariant Feature Transform, 2019 Dye sublimation print 48 x 80 in. ©Trevor Paglen Courtesy of: the Artist and PACE Gallery

L’esthétique maitrisée adoucit chacune des œuvres et vient en quelque sorte masquer ce qui est raconté.

Les questions soulevées se rapprochent sensiblement de la théologie. Aujourd’hui qui possède véritablement le don d’ubiquité ?  

 

Pratique : du 4 septembre au 19 octobre 2019

https://www.artageneve.com/lieu/galeries/pace