Philippe Bazin, Place Syntagma, Athènes, août 2017

Un Archipel des Solidarités, Grèce 2017-2020

par Nafsika Guerry-Karamaounas
16 septembre 2020

Alors qu’il y a quelques jours on apprenait un terrible incendie dans le camp de Moria sur l’île de Lesbos en Grèce, l’exposition "Un Archipel des Solidarités, Grèce 2017-2020"révèle par le terrain et par la pensée, cette condition inhumaine.

Comment s’est construite cette exposition pour le Centre de la Photographie ? Est-ce une commande ou une proposition des artistes ?

Joerg Bader, directeur du Centre de la Photographie Genève :

"L’idée de présenter UN ARCHIPEL DE SOLIDARITÉS - GRÈCE 2017-2020  remonte à novembre 2019 pendant Paris-Photo, quand j’avais vu une partie à la maison Robert Doisneau à Chantilly. J’étais très épris et je voulais voir s’il y avait une possibilité comme avec Gregor Sailer "Le village Potemkine", de présenter l'exposition d’abord à Arles, puis à Genève, d’autant que notre programme était déjà bouclé pour un an. Mais le directeur des Rencontres d'Arles démissionnait peu après et du coup, je ne savais pas bien quoi faire.

Durant le confinement, les frontières de tous les pays d'Europe étaient fermées, encore inimaginable quelques mois auparavant, et les journaux télévisés suivaient le mouvement. Nous étions soudainement préoccupés exclusivement par des questions nationales, une aberration dans une Europe moderne. Seulement Art-journal continuait à nous apporter des nouvelles d’ailleurs, dont un reportage sur la violence subie des exilés dans la mer Egée et dans les camps. J’avais compris l’urgence de parler des plus démunis alors que notre interêt pour autrui s’arrêtait aux frontière nationales.

Nous avions décidé de faire l’exposition en mai, persuadés que nous allions uniquement perdre de l’argent, ce qui s’est avéré faux, car nous avions, en très peu de temps trois fondations prêtes à nous aider dans ce projet."

 

Philippe Bazin, Vue du camp de Moria, Lesbos, février 2018

Alors qu’il y a quelques jours on apprenait un terrible incendie dans le camp de Moria sur l’île de Lesbos en Grèce, l’exposition Un Archipel des Solidarités, Grèce 2017-2020, qui se tient depuis le 26 août au Centre de la Photographie de Genève, révèle par le terrain et par la pensée, cette condition inhumaine, placée sous le joug psychologique d’une pression constante et permanente, alimentée par une politique destructrice, elle-même tenue par une économie absolue. 

Le point de vue de l'exposition, se veut en somme « positif » et met en lumière plusieurs actions solidaires déployées face à une situation de détresse, complètement hors contrôle, que cela soit dans des camps de réfugiés, dans une mine d’or de Skouries ou encore dans le quartier très ancien d’Exarchia, à Athènes où les violences policières sont très fréquentes. 

C’est également, une grande partie de l’histoire grecque qui est représentée à travers ce long projet photographique très documenté, l’exil des grecs en 1922, les nazis, la guerre civile, la dictature des Colonnels. 

Philippe Bazin, Grotte près de Therma ayant permis aux exilés communistes de se cacher lors de la guerre civile (1946-1949), Ikaria, avril 2018.

Philippe Bazin, Makronissos, île de déportation et d’extermination des opposants au régime grec issu de la seconde guerre mondiale, août 2018.

Philippe Bazin à travers son objectif et Christiane Vollaire, au fil de plus de 115 entretiens, retracent cette histoire passée et présente par l’entraide qui s’est manifestée durant ces grands évènements pour le moins tragiques et dévastateurs. 

Philippe Bazin, Médecin généraliste, membre du mouvement Kinisi d’accompagnement et de défense des droits des jeunes réfugiés et migrants, Patras, 2018

Philippe Bazin, Assistante commerciale au chômage, Basque Espagnole, volontaire à l’association Attica wharehouse venant en aide aux migrants du camp de Moria à Lesbos, 2018

La réflexion de cette exposition est intéressante car pensée et photographie se répondent, elles se font écho, l’une est le miroir de l’autre - ce qui est tu, est suggéré par l’image presque documentaire, la réflexion quant à elle, oriente de façon juste la photographie, l’utilisation de ces « outils » appartient au visiteur. 

Cette solidarité, cette façon de soutenir ENSEMBLE, semble possible et donne de l’espoir, mais elle répond aussi de façon sous-jacente à cet autre « ensemble », hostile, celui de cette Europe qui a quasiment assiégé le berceau de la civilisation, du Temple des Dieux en passant par la démocratie et tout le reste… Ce premier ensemble devrait retrouver un peu de son ambition première et transmettre lui aussi un acte de solidarité, un vrai…

« Pourquoi est-ce qu’il n’y a pas de mouvement de la paix et de discussion en Europe ? Pourquoi est-ce qu’il n’y a pas de mouvement politique en Europe ? Quand on parle des racines de la guerre, les gens disent : « C’est très compliqué ». Qu’est-ce qu’on peut faire de mieux que donner des sandwiches ? Je sais qu’on devrait discuter les racines de la guerre. On parle de recherche de fonds, de relogement ; mais on ne parle pas des racines du problème. C’est à un niveau européen et personne ne parle de cela. » Giorgos Tyrikos, boucher et titulaire d’une thèse en anthropologie, et cofondateur de l’association Agkalia, / propos recueilli par Christiane Vollaire en 2019, à Lebsos, Grèce

Philippe Bazin, Place Syntagma, Athènes, août 2017

Pratique

Un Archipel des Solidarités, Grèce 2017-2020

Centre de la photographie, 28 rue des Bains, Genève

Jusqu'au 18 octobre 2020 – Ma-Di 11h-18h

https://www.artageneve.com/lieu/musees-fondations/centre-de-la-photograp...