Vanna Karamaounas, Fondation Auer Ory pour la photographie

La construction est une mémoire. Elle seule témoigne de notre existence. L’œil de Vanna Karamaounas est autant celui d’une historienne que d’une plasticienne. Les enjeux socio-économiques contemporains ainsi que son histoire familiale marquée par l’exode lors de la Catastrophe de Smyrne en 1922 constituent des bases de réflexion fondatrice de l’œuvre de Vanna Karamaounas. 

Son objectif observe la main de l’Homme dans l’édification des villes, l’Homme dans ses réalisations industrielles, dans ses traces, ses vestiges d’un passé révolu, ses Exodes, dans sa quête de s’édifier lui-même. Mais l’âme de l’artiste se préoccupe tout autant du cheminement qui nous unit les uns aux autres dans un monde interstitiel, là où cohabitent les histoires personnelles et collectives. Ses photographies célèbrent la magie de la pureté photographique tout en soulèvant des questions d’ordre esthétique au travers d’un voyage à la fois social, humaniste, existentiel et géographique. Ses images expriment des métaphores de la vie matérielle et psychique, jouant entre abstraction et représentation, entre les mondes industriels et spirituels. 

Vanna Karamaounas n’intervient d’aucune manière sur ses sujets. Les couleurs, la lumière, obtenues seulement en fonction des éclairages solaires qu’elle choisit est l’un des facteurs qui transforment ses photographies en tableaux presque picturaux. Ses images fixent de manière intemporelle des sujets “menacés par un sentiment tragique de leur perte” tout en les sublimant. Chaque repérage, cadrage, prise de vue, développement, concourent à fonder un nouvel ordre perceptuel qui n’a plus rien à voir avec une reproduction analogique du réel. 

On reconnaît deux typologies du paysage dans son œuvre. Les deux thématiques sont fortes de leur engagement, elles traitent autant des créations de l’homme que de l'accomplissement de ses multiples vies, même au-delà du territoire qui définit son identité. 

• les paysages urbains, résultat de la construction par l’homme où son attention s’accroche aux aspérités d’un monde en construction. Le sujet ne retrouve plus son sens premier. Toutefois, à la différence d’une tradition marquée par l’utopie d’un progrès social, l’artiste révèle un monde abandonné, déserté par toute présence humaine, ces métaphores donnent vie aux objets, leur procurent une âme dans une esthétique parfois proche des peintures abstraites et des natures mortes.
• les paysages socio-politiques, matérialisation psychologique de l’homme, sa reconstruction. A travers ses photographies, le thème sur l’exode ou encore ces "portraits" de l’Amérique après le 11 septembre, notre regard est invité. La réflexion esthétique engage un dialogue avec une réalité brute, préservée de tout pathos. 

C’est non seulement une mise en abîme que l’artiste propose car elle laisse elle-même une empreinte de l’empreinte, mais c’est surtout un hommage à l’humanité, un espoir et une foi en ce que l’homme est capable de construire. Sa force à bâtir sans relâche, son processus de création ou sa force à se reconstruire, sa résilience : l’Homme, par son absence, est présent sur chacune des icônes de l'artiste. 

Ce voyage de reconstruction du sujet, en passant par sa dématérialisation et finalement sa réincarnation, est un clin d’œil à l’Histoire de l’Homme, ses traces dans ce monde, et à la transfiguration de ses traces, désertées par toute présence humaine, en mémoire.

Fondation Auer – Michel et Michèle Auer

Travaillent depuis 40 ans, à une collection exceptionnelle, rare par sa richesse et sa diversité, avec plus de 500 appareils, 21 000 livres, inédits, 50 000 tirages originaux, objets d’art, écrits, cartes postales, affiches… Ce parcours impressionnant retrace l’histoire de la photographie de 1839 à nos jours, fruit de longues recherches, d’images explicites de procédés (belles ou intéressantes qui proposent des lectures multiples de l’invention). Parallèlement, ils entreprennent un travail encyclopédique sur les hommes qui ont fait et élevé la photographie au niveau de l’art. Ils publient régulièrement des ouvrages accompagnant les expositions.

 

Pratique

Autres Voyages, Vanna Karamaounas – carnet n°32

Fondation Auer Ory pour la photographie

10 rue du Couchant, 1248 Hermance, Genève

Jusqu'au 13 novembre 2022

Exposition ouverte sur rendez-vous +41 22 751 27 83 du Lundi au Vendredi / Samedi et Dimanche ouvert de 14h30 à 18h sans rendez-vous