Claire Tabouret | L'Urgence et la Patience chez Almin Rech

par Nafsika Guerry-Karamaounas
26 octobre 2021

Claire Tabouret, cette artiste peintre de 40 ans, originaire de Montpellier, est l'une des étoiles montantes du marché de l'art. Elle expose chez Emmanuel Perrottin et chez Almin Rech à Paris. Elle peint peu, une quinzaine de tableaux par ans et est l'artiste féminine la plus côtée du marché de l'art. Chez Christie's à Londres, sa toile The Last Day (2016) a été vendue 863'000 $, soit un peu plus de 743'000 euros, à la vente de mars 2021.

Pour cette nouvelle exposition à la galerie Almin Rech à Paris, ce sont les œuvres de Claire Tabouret qui sont exposées. 

Son titre éponyme, L’urgence et la patience, fait référence au livre de Jean-Philippe Toussaint qui au fil des pages et des onze chapitres, décortique le temps, le temps comme processus d’écriture – comment passe-t-on d’une œuvre à une autre ? Comment lier les œuvres ? Comment poursuivre ? Claire Tabouret reprend donc cette référence au temps et l’étire au processus de création en décrivant ici les étapes, mais aussi les moments d’attente, les moments de grâce où la création se fait lumineuse et évidente. 

Cette exposition évoque également une référence directe au temps imposé et comme arrêté lié à la pandémie de la Covid 19. 

Vue de l'exposition, @Almin Rech

Dans un entretien au musée de l’Orangerie avec Philippe Piguet, Claire Tabouret décrit la valeur temporelle comme quelque chose de terrifiant. Elle évoque sa relation à la peinture comme une relation au manque - la peinture comme palliatif. Claire Tabouret dit être à la recherche de cette émotion si fortement ressentie devant les Nymphéas de Monet dans ce même musée alors qu’elle n’avait que quatre ans. Depuis lors, elle poursuit cette quête qui parfois semble toucher du bout du doigt cette sensation si brutale, si belle. 

Claire Tabouret, Deux baigneuses, 2021, Painted bronze fountain, 206,4x121,9x121,9 cm, @Almin Rech

C’est la première fois que l’artiste française s’essaie au médium sculptural qu’est le bronze.

A la galerie, c’est une figure majestueuse faite donc de bronze qui trône au milieu de la pièce. Elle représente deux enfants, l’une a le dos courbé, l’autre est debout, une main posée nonchalamment sur l’épaule de sa voisine. L’attente est là. Les personnages fixent au loin. 

Les autres sculptures en bronze sont beaucoup plus petites mais toujours ce même état de langueur qui paraît presque éternel.

Tous les bronzes de Claire Tabouret sont peints ce qui n’est pas usuel pour ce matériau travaillé la plupart du temps de façon brut. Cette qualité marquée, en appelle sans doute à la pratique que Picasso entretenait avec le bronze. Celui-ci peignait ses bronzes surtout dans les années cinquante mais il avait initié cette approche bien plus tôt en 1914 avec la série Verres d’absinthe.

Claire Tabouret se libère finalement du médium de la peinture en utilisant plusieurs supports – il réside comme un détachement, c’est l’œuvre qui est au centre et non le support, il n’est jamais une condition.

Claire Tabouret, Seated Bather (afternoon sun), 2021, 113x76,2 cm,  @Almin Rech

Le travail de Claire Tabouret est souvent porté sur l’enfance particulièrement les adolescents et le groupe. C’est son rapport au corps, sa position, à son propre langage à part entière qui sont évoqués. Le corps de l’adolescent change, il est tiraillé entre l’enfant dont les réminiscences jaillissent de temps à autre et l’image encore floue des contours adultes qui se dessinent – le corps adolescent est « en chantier ».

Pour cette exposition c’est toujours ce même corps entre l’enfance et la maturité qui est donné à voir mais le groupe l’est moins. Les corps sont, en majorité, esseulés, figés, immobiles. Qu’attendent-ils ? Que cherchent-ils ? En les regardant, c’est comme si finalement ce questionnement était adressé au spectateur. La confrontation est intense avec les personnages - comme Claire Tabouret aime évoquer les figures de ses œuvres - il y a une défiance latente mais certaine.

Cette défiance est également représentée dans les autoportraits de l’artiste beaucoup plus nombreux que dans ses expositions précédentes. L’autoportrait est une démarche récurrente de l’artiste, une façon de figer le changement dans le temps et paradoxalement d’apprécier ce temps qui transforme, détourne, passe. 

Claire Tabouret, Self-portrait (profile), 2021, Acrylic on linen, 50,8x64,8 cm,  @Almin Rech

Claire Tabouret dit du tableau qu’il est comme une scène. Le spectateur est quant à lui invité à y participer. 

Claire Tabouret vit et travaille à Los Angeles depuis six années. Elle dit en parlant de la Cité des Anges qu’elle a trouvé son chez elle, qu’elle peut avoir de l’espace à l’écart de l’agitation et du bruit.  

Pratique

L'Urgence et la Patience, Claire Tabouret

Jusqu'au 18 décembre 2021

Galerie Almin Rech

64 rue de Turenne, 75003 Paris