Louis Soutter | Seule (La jeune demoiselle de Ballaigues), vers 1930 Encre sur papier, 21 × 17,3 cm Titré en bas à droite Genève, galerie Edwin Engelberts Genève, galerie Jacques Benador Genève, galerie Schifferli Paris, collection particulière

Jacques Benador, inoubliable

Rainer Michael Mason
15 septembre 2022

Hommage à Jacques Benador : Oeuvres de Tal Coat, Pietro Sarto, Hans Hartung, Charles Rollier, Asger Jorn, Bram van Velde, Pierre Alechinsky, Jean Fautrier, Antonio Saura, Geneviève Asse, Louis Soutter et Paul Klee. Le mouvement surréaliste sera représenté par des dessins et photographies de Hans Bellmer, Max Ernst, Victor Brauner et Kurt Seligmann.

 

Jacques Benador (1923‒2010) fut un maître à Genève, pendant trente ans, disons de 1960 à 1990.

Pour les passants (on s’arrêtait devant sa vitrine de la Corraterie, vivement étonné ou crachant dessus), pour les amateurs et critiques d’art, pour les collègues marchands (parfois, il s’est associé, à Edwin Engelberts (1918-1998), à Jan Runnqvist (1929-2011) – hélas pas pour le musée (médiocre, car timoré et paresseux). Un maître pour plus d’un. Pour Paul Geneux, grammairien à l’Ecole de traduction de l’Université, volontiers volubile et interrogateur enthousiaste. Pour une femme collectionneur, qui devint princesse. Pour Pierre Darier (1945‒2018), selon qui Jacques Benador « restait surtout l’ami de l’abstraction lyrique, des artistes de l’après-guerre », lui faisant découvrir tour à tour Atlan, Agustín Cárdenas, Max Ernst, Hans Hartung, Serge Poliakoff, Charles Rollier, Pietro Sarto, Kurt Seligmann, Louis Soutter, Pierre Tal Coat, Yves Tangy, Bram van Velde. Pour moi, jeune amateur (j’acquis chez lui mon premier Bram, un lavis de 1973), puis chroniqueur dans un journal genevois du soir, il fut aussi un maître.

Kurt Seligmann | Sans titre (trois visages de profil), 1936 Encre de Chine sur papier, 62 × 50 cm New York, Timothy Baum Genève, galerie Jacques Benador Genève, galerie Schifferli Genève, collection particulière

Impressionnant, exigeant, redoutable, autant que généreux, amical, fidèle. Petit homme vif et rapide, barbu (dès le milieu des années 1970), tirant sur sa pipe, libre de parole, il s’agissait d’être à sa hauteur, à lui qui savait vous dire d’un trait que la différence entre Kostia Terechkovitch et Henri Matisse, c’était l’intelligence. Jacques Benador exposa, le premier en Suisse, Cy Twombly (un choc absolu en 1963 !), il défendit Lucio Fontana autant que Pierre Klossowski, adhéra à Rollier et à Tal Coat. Ce maître dont les leçons ne passaient que par l’exemple savait également visiter, modeler l’histoire de l’art, attirant l’attention sur Jean Fautrier comme sur Francis Gruber. Car le figuratif ne lui parlait pas moins que l’abstrait, son appétence allait à Rembrandt ou Goya comme aux contemporains : comptait seul à ses yeux le fait plastique !

Pietro Sarto | Paysage, 2001 Huile sur bois, 80 × 101 cm Genève, galerie Schifferli

Bref. Jacques me laissa penser que tout art, d’une certaine manière, a besoin d’être inconciliable avec le temps qu’il exprime.

Rainer Michael Mason, août 2022

 

A la Galerie Schifferli du 22.09.2022 au19.11.2022

https://www.artageneve.com/lieu/galeries/galerie-schifferli

Hommage à Jacques Benador : Oeuvres de Tal Coat, Pietro Sarto, Hans Hartung, Charles Rollier, Asger Jorn, Bram van Velde, Pierre Alechinsky, Jean Fautrier, Antonio Saura, Geneviève Asse, Louis Soutter et Paul Klee. Le mouvement surréaliste sera représenté par des dessins et photographies de Hans Bellmer, Max Ernst, Victor Brauner et Kurt Seligmann.