Pat Andrea chez Sonia Zannettacci

Cerise Dumont
15 septembre 2025

La galerie Sonia Zannettacci présente « Pat Andrea, La visite surprise ». Cette exposition, qui réunit des œuvres, peintures et dessins de l’artiste néerlandais, permet de s’immerger dans son univers foisonnant, à la fois séduisant et inquiétant.

Pat Andrea (1942), figure de la « Nouvelle Subjectivité » - mouvement comptant notamment David Hockney ou le Suisse Samuel Buri - vit et travaille entre Paris et Buenos Aires. L’artiste cultive depuis les années 1970 un style singulier, à la croisée de l’Hyperréalisme et du Surréalisme. Ses œuvres, qui mêlent humour noir, visions macabres et érotisme, interrogent le pouvoir des images et leur capacité à révéler l’inconscient. Pour Andrea, la femme n’est pas seulement un sujet : elle est une force souveraine, maîtresse des espaces clos ou absurdes dans lesquels l’artiste place ses personnages.

L'idolâtrie, caséine et huile sur toile, 54 x 65 cm, 2024

Dans l’espace de la galerie, les toiles se déploient en une succession de scènes étranges. Les figures féminines apparaissent recroquevillées dans des espaces géométriques qui semblent les enfermer. Elles arborent parfois des postures aguichantes, vêtues de sous-vêtements ou de talons, mais leur sexualisation volontaire se double d’une inquiétude sourde : regards fixes, sourires crispés, bouches grimaçantes. Le visiteur est happé par ce climat de cauchemar coloré, renforcé par une palette acide faite de jaunes éclatants, de roses crus et de bleus électriques. L’effet est d’autant plus troublant que le dessin, précis et nerveux, n’est pas sans évoquer l’univers de la bande dessinée.

Certaines œuvres intègrent des collages ou des éléments rapportés, renforçant la matérialité de la peinture et accentuant le décalage entre réalisme minutieux et incongruité des situations. Le chien, motif récurrent, surgit dans plusieurs compositions, comme un double animal des figures féminines, un témoin muet de leurs errances ou de leur enfermement. Les architectures absurdes, parfois réduites à quelques murs ou ouvertures, complètent ce décor d’aliénation, entre scène de théâtre et rêve oppressant – un peu à la manière d’Alice évoluant de l’autre côté du miroir.

Chien méchant ou cave canen, caséine et huile sur toile, 60 x 70 cm, 2014-2016

Cabo de palos, caséine et huile sur toile, 160 x 160 cm, 2019-2020

La surprise du titre de l’exposition s’éprouve à chaque détour : plus on regarde les tableaux, plus ils dévoilent une dimension inattendue, entre psychanalyse et parodie morbide. Pat Andrea joue des décalages – une posture lascive dans un espace exigu, une grimace dans un décor théâtral – pour révéler la part trouble de nos désirs et de nos cauchemars. Derrière cette étrangeté, le savoir-faire du dessinateur demeure évident, héritier de la tradition hollandaise mais nourri d’une modernité où se croisent De Chirico, le surréalisme et une certaine culture visuelle contemporaine.

Le Cri, caséine et huile sur carton découpé, 30,5 x 27,5 x 3 cm, 2020

Avec cette exposition, la galerie Sonia Zannettacci met en lumière un artiste qui, depuis plus de cinquante ans, brouille les frontières entre rêve et réalité, humour et effroi, séduction et malaise. La visite surprise n’est pas seulement celle que Pat Andrea réserve au spectateur : c’est aussi une plongée dans les recoins inavoués de l’imaginaire, un face-à-face avec les images persistantes de notre inconscient.

Jusqu'au 1er novembre 2025

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