Ella Maillart
À travers une sélection de photographies, d’articles, d’ouvrages et de documents, cette exposition propose de redécouvrir le parcours exceptionnel d’Ella Maillart. Sportive, voyageuse, conférencière et journaliste, elle n’a cessé de défendre sa vision d’« unité du monde ». Anne-Julie Raccoursier et Pauline Julier, deux artistes aux personnalités bien distinctes, relèvent le défi : grandes voyageuses elles-mêmes, leurs démarches, oscillant entre réalité et fiction, déconstruisent à leur tour les clichés.
Ella Maillart
La mise en valeur du parcours exceptionnel d’Ella Maillart était un événement attendu, qui remporte un succès à la hauteur de cette personnalité d’envergure. L’exposition qui lui est consacrée au Musée Rath est aussi l’occasion d’une rencontre vive et stimulante entre cette femme remarquable et les artistes Pauline Julier et Anne-Julie Raccoursier, invitées par Samuel Gross, curateur de l’exposition, avec le concours passionné de Mayte Garcia, conservatrice au Musée d'art et d'histoire, qui a réuni les archives présentées dans l’espace central.
Cette rencontre, loin d’être anecdotique, révèle à quel point l’actualité d’Ella Maillart rejoint celle d’aujourd’hui. Car les regards de ces trois femmes convergent sur de nombreux sujets et la rencontre publique organisée avec les artistes a démontré combien la personnalité hors norme d’Ella Maillart fut inspirante et enthousiasmante.
Pauline Julier et Anne-Julie Raccoursier ont puisé durant une année dans les archives de la grande voyageuse, journaliste et écrivaine pour articuler leur intervention et dialoguer d’une façon pertinente et profonde avec elle. Elles ont repensé leurs réalisations et en ont créé de nouvelles.
Pauline Julier présente une installation vidéo qui retrace la situation désespérée de Kuvalu, île perdue au milieu du Pacifique sud, menacée de disparition par la montée des eaux liée au réchauffement climatique. Tout en finesse et en subtilité La disparition des Aïtus, 2014-2023, relate le quotidien de ses habitants, nous plonge dans la forêt profonde de l’île, montre les photographies de timbres-poste évocateurs et, finalement, donne la parole à son ministre des Affaires étrangères installé, totalement seul, à une tribune posée sur la plage, pour annoncer que la seule possibilité de survie politique de son État réside dans le Metavers, aucun autre pays n’ayant proposé de lui offrir un territoire. Un paradoxe qui fait basculer une réalité physique dans l’abstraction numérique. Le sujet, entrepris il y a dix ans, reste éminemment actuel et rejoint les constatations d’Ella Maillart sur la dégradation environnementale qu’elle percevait déjà au cours de ses voyages.
Anne-Julie Raccoursier porte son attention sur les réalités sociales et culturelles pour en souligner les contradictions. Elle a choisi plusieurs vidéos, dont Sit-in, 2014, filmée dans un immense stade envahi de cactus, abandonné après les Jeux olympiques en Grèce, et Workflow, 2018, qui fait défiler des vêtements de travail suspendus dans un pressing industriel. Ces images symbolisent les codes sociaux d’une foule qui afflue en masse puis disparaît et la déshumanisation qu’induit l’évolution technologique. Pour l’exposition, elle a réalisé Overview, 2023, dans le val d’Anniviers, non loin du chalet d’Ella Maillart à Chandolin. Les images montrent une forêt de paraboles installées en pleine montagne : le système d’écoute du Département de la défense, traversé par des nuées de brouillard et devant lequel un troupeau de moutons broute tranquillement. Ce nouveau paradoxe que nous laisse contempler l’artiste dans un état méditatif fait écho au slogan des pacifistes américains, qu’elle reprend et détourne en tube néon, Make War not War, 2015, et à celui emprunté à l’un des titres d’Ella Maillart Cruel Way, 2023.
Les deux artistes soulignent les absurdités, les disparitions, les transformations sociales, les pertes d’identité et les dérives du monde actuel, rejoignant par-delà les époques la clairvoyance de leur ainée, que la quête de connaissance et de rencontres a conduite à de semblables réflexions.
Pratique : du 7 décembre au 21 avril 2024 – Musée Rath Genève
https://www.artageneve.com/lieu/musees-fondations/musee-rath-mah
