Ornement de ceinture - Les Noces Aldobrandines  France, 1er quart du XIXe s. (d’après une fresque romaine du Ier s. av. J.-C.)  Ivoire sculpté en bas-relief, monture en or,   10,45 x 3,7 cm, Ép. 1,8 cm © Musée d’art et d’histoire de Genève, photo : B. Jacot-Descombes

Le goût de l'antique - Anna et Jean Gabriel Eynard

Par Emilie Bottini
22 décembre 2021

En parallèle à l’exposition GENÈVE ET LA GRÈCE - Une amitié au service de l'indépendance commémorant le bicentenaire de la déclaration d’indépendance de la Grèce, le Musée d’art et d’histoire met en lumière le goût pour l’antique du couple de philhellènes genevois, Anna et Jean-Gabriel Eynard. 

L’histoire de cette seconde présentation commence fin 2019, alors que Madame Béatrice Blandin, conservatrice des Antiquités du MAH, attaque la préparation de l’exposition GENÈVE ET LA GRÈCE - Une amitié au service de l'indépendance, manifestation commémorant le bicentenaire de la déclaration d’indépendance grecque. Elle étudie alors la vie du couple de mécènes et philhellènes genevois Anna et Jean-Gabriel Eynard, en effectuant entre autres des recherches sur le mobilier du Palais Eynard et les aquarelles de Alexandre Calame dépeignant l’intérieur des demeures du couple. Béatrice Blandin découvre qu’ils vivaient dans un décor très inspiré de l’Antiquité. 

Au même moment, le Centre d’iconographie genevoise (CIG) la contacte pour identifier les formes de vases antiques figurant sur un daguerréotype d’Eynard aujourd’hui conservé au Getty Museum à Malibu (le CIG travaille justement à ce moment à la mise en ligne du catalogue raisonné de l’œuvre photographique de Jean-Gabriel Eynard, pionnier genevois de la photographie). Quelle n’est pas sa surprise lorsqu’elle s’aperçoit que certains des vases représentés sur le daguerréotype lui rappellent quelque chose ! Madame Blandin entreprend alors des recherches dans les réserves du MAH et y retrouve huit vases antiques figurant sur le cliché !

En entrant dans la galerie au premier demi-étage à droite, le visiteur pénètre dans une ambiance de bois sombre et de voilages blancs, très douce, presque comme s’il pénétrait dans un intérieur domestique. Sur la droite, il y découvre d’emblée le daguerréotype montrant la collection de vases antiques de Eynard, ainsi que les vases eux-mêmes, replacés dans l’ordre exact. La mise en contexte est assez saisissante.

Photographie ©artagenève

Ici, l’évocation de la sensibilité du couple à la valeur esthétique des objets antiques est mise en lumière à travers leur collection de vases et également à travers la présentation de fouilles que Jean-Gabriel Eynard a menées à Pompéi en 1806.

L’exposition, articulée en trois parties, explore ensuite l’esprit néoclassique qui caractérisait les demeures des Eynard, à travers des aquarelles réalisées par Alexandre Calame et par la présentation de mobilier et d’objets personnels ou décoratifs leur ayant appartenu.

Une vitrine présente ainsi par exemple un ornement de ceinture en ivoire au décor inspiré d’une scène nuptiale, dite des « Noces Aldobrandines », tirée d’une célèbre fresque du Ier siècle av. J.-C., qu’Anna Eynard a porté lors du Congrès de Vienne en 1815.

Ornement de ceinture - Les Noces Aldobrandines  France, 1er quart du XIXe s. (d’après une fresque romaine du Ier s. av. J.-C.)  Ivoire sculpté en bas-relief, monture en or,   10,45 x 3,7 cm, Ép. 1,8 cm © Musée d’art et d’histoire de Genève, photo : B. Jacot-Descombes

Très intimement, le visiteur apprend que le goût de l’antique des Eynard était transposé jusqu’à la mode, la statue de Anne Eynard réalisée par Bartolini renforçant cette assomption. La belle Anne est en effet représentée portant une sorte de peplos, dont la taille est placée juste sous la poitrine, et un himation (manteau). Le sculpteur a repris les codes antiques jusque dans les détails, la coiffure et les souliers de de la jeune femme étant également inspirés de cette même période.

La dernière partie de l’exposition présente le goût prononcé du couple pour la statuaire antique ou d’inspiration néoclassique. On découvre ces sculptures entre autres à travers les très précises et douces aquarelles de Calame et par quelques exemplaires présentés physiquement dans la galerie. 

L’amour de la sculpture néoclassique se reflète bien entendu dans l’architecture et l’agencement des demeures du couple, qui appréciait particulièrement le sculpteur néoclassique Antonio Canova et le sculpteur Lorenzo Bartolini (1777-1850).

Jean-Gabriel Eynard commande d’ailleurs plusieurs réalisations à ce dernier. Ainsi, Bartolini réalise un buste de Eynard lui-même – précisément le buste qui invite le visiteur dans l’exposition - et la statue en pied de son épouse qui sied aujourd’hui – et ce depuis sa création en 1823 - au pied du grand escalier du Palais Eynard.

Lorenzo Bartolini (1777-1850) - Portrait en pied de Madame Anna Eynard  Marbre de Carrare, H. 185 cm  © Musée d’art et d’histoire de Genève, photo : B. Jacot-Descombes

Très touchante, intime et précise, tout à fait complémentaire et très genevoise, cette exposition apporte un éclairage supplémentaire, une mise en contexte très concrète aussi, sur l’exposition GENÈVE ET LA GRÈCE - Une amitié au service de l'indépendance que présente actuellement le MAH et sur l’engagement profond du couple Eynard pour l’indépendance de la Grèce, ce pays qu’ils ont admiré sans pourtant jamais s’y rendre.

Le visiteur est finalement invité à clore son parcours par une incursion dans l'exposition permanente du Musée, où il peut admirer un tableau de la collection de Eynard, La Mort de Socrate, peint en 1802 par François-Xavier Fabre (Montpellier, 1766-1837). 

 

Pratique

LE GOÛT DE L’ANTIQUE - Anna et Jean Gabriel Eynard 

15 octobre 2021 - 2 janvier 2022

De 11h à 18h du mardi au dimanche, de 12h à 21h le jeudi

Entrée libre – https://www.artageneve.com/lieu/musees-fondations/mah-musee-dart-et-dhis...

Musée d’art et d’histoire - Rue Charles-Galland 2  - 1206 Genève