Jordan Lahmi OPERA Gallery

L'Art A Genève
13 octobre 2025

Jordan Lahmi, directeur de Opera Gallery à Genève nous livre quelques impressions sur son expérience du marché de l'art.

Votre parcours
Gilles Dyan, le fondateur d’Opera Gallery, est mon oncle. J’ai littéralement grandi dans la galerie parisienne, c’était un peu ma deuxième maison. Toute la famille a baigné dans l’art : ma tante, ma mère, mon frère, mes cousines… tout le monde y travaille ou y a travaillé ! J’ai commencé très jeune à aider les week-ends, à emballer des œuvres, à accrocher des tableaux, puis, petit à petit, à recevoir les collectionneurs à la galerie. À ce stade, ce n’était plus un choix mais une vocation. Après mes études, rejoindre Opera Gallery s’est fait tout naturellement. J’ai d’abord pris la direction de la galerie que nous avions ouverte à Venise, avant de m’installer à Genève en 2009 pour diriger l’espace ici.

Que propose et défend Opera Gallery ?
Opera Gallery défend l’art moderne et contemporain, avec un équilibre entre le second marché - pour les grands maîtres du XXe siècle - et le premier marché pour les artistes contemporains. Le groupe compte aujourd’hui quatorze espaces à travers le monde, de New York à Séoul, en passant par Dubaï et Paris.
Nous croyons profondément que l’art a cette capacité unique de dépasser les frontières sociales et culturelles, de créer des liens sincères entre les individus. C’est pourquoi nous tenons à ce que la galerie reste un lieu ouvert et accessible, où chacun se sente libre d’entrer, de regarder, d’échanger et de s’émerveiller. L’art ne doit pas intimider, il doit rassembler. Cette conviction guide notre travail au quotidien et donne tout son sens à notre mission culturelle.

Est-ce que le métier a changé ?
Complètement ! Et le grand tournant, c’est évidemment le COVID. Le confinement a obligé le monde de l’art à se digitaliser à une vitesse folle. Avant, on pensait que l’émotion ne pouvait naître qu’en face d’une œuvre. Aujourd’hui, on a appris à provoquer cette émotion à travers un écran, un défi qui a poussé les galeries à être plus inventives que jamais. Et grâce à cette ouverture numérique, il y a aujourd’hui beaucoup plus de collectionneurs, et surtout une plus grande diversité.

Croyez-vous à la vente d’œuvres d’art en ligne ?
Oui, absolument – mais avec quelques nuances. Pour les artistes déjà connus, les collectionneurs achètent volontiers en ligne. En revanche, découvrir un artiste pour la première fois derrière un écran, c’est plus difficile : rien ne remplace le frisson d’une rencontre réelle avec une œuvre.

Quel courant artistique aujourd’hui se porte bien ?
Il n’y a pas un courant qui domine, mais une multitude. Le marché est devenu éclectique : on voit des ventes de grandes maisons de ventes aux enchères qui vont de Monet à Basquiat, des univers sans rapport les uns avec les autres à priori. C’est le reflet d’une chose très positive : les collectionneurs sont aujourd’hui beaucoup plus variés, avec des goûts, des cultures et des sensibilités très différentes.

Comment rester combatif en période de crise ?
Avec patience, dialogue et une bonne dose d’optimisme ! Plus sérieusement, tout repose sur le lien humain : maintenir le dialogue avec les artistes, les collectionneurs et les équipes. L’art est un métier de passion, mais aussi d’endurance. Les crises passent, les belles œuvres restent.

Est-ce que les foires sont importantes ?
Indispensables ! En quelques jours, on rencontre plus de monde qu’en plusieurs mois. C’est un moment d’échanges, de visibilité et de rencontres humaines. Cela dit, elles sont particulièrement cruciales pour les plus petites galeries, qui y gagnent une exposition internationale. Nous, avec nos quatorze espaces dans le monde, avons déjà une belle visibilité, mais les foires restent un rendez-vous essentiel pour nourrir le lien direct avec les collectionneurs.

Quelle est la tendance aujourd’hui sur le marché de l’art ?
Le marché de l’art s’est profondément ouvert ces dernières années. Grâce à Internet et aux réseaux sociaux, l’art circule aujourd’hui à une échelle inédite : les artistes peuvent partager leur travail avec le monde entier, et les collectionneurs découvrent des œuvres venues de tous horizons. Cette ouverture a rendu le marché plus fluide, plus divers et plus connecté. La technologie a aussi transformé notre manière de créer, de voir et d’acquérir les œuvres, en offrant de nouveaux outils et de nouvelles expériences. Mais malgré ces mutations, le rôle des galeries reste central : accompagner, conseiller, donner du sens. Le marché est devenu plus global, plus rapide, mais aussi plus passionnant que jamais.

Quel est votre dernier coup de cœur ?
Un petit Miró sur papier que je viens d’acquérir. Une œuvre pleine de fraîcheur et de poésie. Je l’adore… au point que je ne suis pas sûr de vouloir m’en séparer !

Quelle est pour vous la ville la plus artistique ?
Impossible de choisir ! Chaque ville a sa propre vibration artistique. Paris incarne l’histoire et l’élégance, Londres l’effervescence, New York l’audace, Séoul la modernité, et Venise… vit littéralement au rythme de l’art. Genève, quant à elle, dégage une sérénité artistique plus discrète mais bien réelle. C’est cette diversité, ce dialogue entre les cultures et les sensibilités, qui fait la richesse et l’universalité de l’art.

https://www.artageneve.com/lieu/galeries/opera-gallery

portrait ©Pascal Bitz