Nicolas Christol, bijoutier

L'Art A Genève
18 novembre 2022

Nicolas Christol, après une formation de photographe, travaille à divers postes dans le culturel, puis durant trois ans dans le cinéma (régie, production) et travaille actuellement dans une galerie d’art à Genève. Il apprend la bijouterie en autodidacte.

Nicolas Christol, bijoutier, parlez-nous de votre rôle dans le monde artistique ?

J’ai co-fondé le collectif Einzweidrei avec lequel nous avons organisé de nombreuses expositions d’art contemporain depuis 2006, avec des artistes tels que Erwin Wurm, Jonathan Monk ou Shilpa Gupta. Depuis 2021, avec ma collègue Mélane Zumbrunnen, nous avons ouvert un minuscule espace d’exposition dédié au bijoux et à la céramique contemporaine, dans une cellule de l’ancienne prison de Vevey, l’espace Borax.

Nicolas Christol

Quel a été le déclic ? Votre parcours ? Comment avez-vous appris la bijouterie ?

Lors d’un séjour en Colombie, à Bogotà, chez une amie bijoutière qui m’a donné quelques notions de base pour souder et m’a laissé m'amuser à son établi. J’ai réalisé cinq pièces que j ai toutes offertes à des amis.x.es, puis j'ai installé un petit atelier dans mon appartement, j'ai fini pas le déplacer à cause du bruit !  J’apprends (au présent !) en autodidacte et en échangeant avec des collègues. En se brûlant et en se coupant les doigts ou en détruisant le travail d'une journée on apprend vite, du moins ce qu’il ne faut surtout pas faire.

Quel est le premier bijou que vous avez conçu ?

Un pendentif avec une labradorite.

Quelles sont vos inspirations ?

Je n’ai pas de « collection » et ne fais pas de dessins, je produits d’une part des bijoux avec des pierres et des perles et, pour les expositions, je réalise des pièces plus brutes et conceptuelles, avec une thématique politique et sociale. Je fais également quelques commandes spéciales. J’ai ainsi réalisé un pilulier en argent avec le tout premier slogan anarcha-féministe sculpté dans la masse (Ni dieu ni mari ni patron) pour une personne qui a des règles extrêmement douloureuses et doit avoir un anti-douleur de secours avec elle.

Quels sont vos critères pour choisir les métaux, les perles, les pierres ?

J’essaie d’utiliser des pierres rares et peu utilisées en bijouterie comme le quartz à pétrole, la triplite, le hauÿne ou la benitoite, de l’ambre avec des insectes… J’ai réalisé des commandes spéciales avec des pierres encore plus rares comme des peridots pallasites venant de l’intérieur de la météorite Jepara, une tugtupite gemme du Groenland, une apatite suisse ou une trolleite de Suède dont il existe à priori moins d’une dizaine d’exemplaires taillés. Ces pierres sont infiniment plus rares qu’un diamant ou un rubis, et pourtant très accessibles (pour autant qu’on en trouve), car elles n’intéressent pas la joaillerie qui le plus souvent se limite à une vingtaine de pierres comme les diamants ou les rubis.

Nicolas Christol

Avez-vous recours à des artisans dans le procédé de fabrication ?

 Je fabrique le plus possible moi-même les pièces.  Je fais quelques fontes à la cire perdue chez un fondeur et travaille avec Antonio Reyna, un sertisseur très doué qui serti les pierres trop techniques pour moi, et réalise des soudures spéciales au laser. Il travaille depuis l’âge de 13 ans, j’apprends beaucoup de lui et il me sort de pas mal d'impasses.

Plutôt bijoutier ou joaillier ?

Je ne suis en tout cas pas joaillier, et j’ai de la peine à me considérer comme bijoutier car je n’ai pas de formation et surtout cela reste un hobby en dehors de mon travail, la nuit et le week-end. Je réalise et vend peu de pièces, cela couvre mes frais et me permet d’acheter des pierres et du métal pour les nouvelles pièces. Je n’ai d’ailleurs aucune intention d’en vivre. C’est un privilège car ainsi je n’ai pas de pression contrairement à la plupart des bijoutiers.x.ères. J'ai des pièces aux usa, au Japon, en Suède et même au Groenland, je trouve ça dingue! C'est très touchant qu'une pièce que l'on fait seul dans son atelier sans calcul ou business plan soudain plaise à quelqu'un d'autre. La personne va soudain  y mettre une valeur sentimentale, vivre et voyager  avec la pièce et peut-être la transmettre à une personne qui compte. Ou au contraire le bijou sera perdu ou juste fondu! C'est génial.

 Quels sont les bijoutiers que vous admirez ?

La liste est longue… Ruudt Peter, qui va exposer à l’espace Borax en 2024, c’est une figure mondiale du bijou conceptuel. J’aime beaucoup le travail de Paul Adie, Karl Fritsch ou encore Hyun-Seok Sim qui exposera à Borax en 2023. En haute joaillerie, je suis fasciné par Otto Jakob. Ce n’est pas vraiment mon univers mais la somme de travail et sa créativité sont absolument  incroyables.

Participez-vous à des marchés de créateurs ?

Pas vraiment à des marchés, mais nous terminons toujours l'année avec une exposition collective à Borax comme celle qui ouvre le 10 décembre 2022, avec pas moins de treize bijoutiers.x.ères  de Suisse-Romande.

 Comment se porte le métier de la bijouterie ?

C’est difficile pour moi de répondre car je n’en vis pas. Il semble que les artisans.x.nes commencent à souffrir de la situation tandis que la haute joaillerie, qui sert de placement, se porte à merveille. Il suffit de voir les sommes absurdes atteintes dans les ventes aux enchères pour des pièces dont les ouvriers.x.ères qui ont extrait les pierres ou fabriqué les montures restent invisibles. C’est un peu comme dans l’art contemporain.

Quels sont vos projets ?

Hormis l’expo collective de décembre j’exposerai en solo à l’espace Borax toujours en avril 2023, sur le thème Confiance Violence. Cinq expositions sont planifiées pour 2023 et déjà trois pour 2024 à l’espace Borax à Vevey. J'ai pas mal de pièces en cours ou en projet, c'est surtout le temps qui manque.

Nicolas Christol

Où peut-on voir vos bijoux ?

A mon atelier sur rdv, sur instagram christol_jewellery ou sur www.christol.ch

Pratique : info [at] christol.ch  –  +41(0)76 517 98 10  

Nicolas Christol

Né en 1982 à Lausanne. Après une formation de photographe, Nicolas Christol travaille à divers postes dans le culturel, puis dans le cinéma et et réalise principalement des installations et des performances. Il travaille actuellement dans une galerie d’art à Genève. Il apprend la bijouterie en autodidacte dès 2016. Co-fondateur du Collectif EinZweiDrei et de la Galerie Emergency puis Borax à Vevey.

L'exposition collective de fin d'année de l'espace Borax ouvrira le samedi 10 décembre dès 13h00.
Pas moins de treize créateurs.ices de Suisse-Romande présenteront leurs créations, les 10-11-12 puis 17-18-19 décembre. Vernissage le 10 décembre dès 16H00. 

 

 

descriptifs des pierres sur les visuels :

1) Série Twin: tugtupite/haüyne, opales, saphir/rubis, pezzottaite/émeraude, pierres de lunes, quartz pétrole/quartz fraise, turquoises chrome/bisbee, tourmaline rubellite/paraiba

 

2) Émeraudes du Zimbabwe, argent

 

3) argent martelé, péridots pallasite Jepara

 

4) argent oxydé