
Isabelle Harsch – Entreposage d'œuvres d'art
Isabelle Harsch est à l'origine d'un nouveau bâtiment, le centre d'entreposage d'œuvres d'art, à Meyrin, aux portes de Genève. Ce bâtiment sécurisé de 7'000m2 vient s’ajouter aux 15’000m2 existant. L’entreprise Harsch compte 130 collaborateurs et plus de 60 véhicules.
Isabelle, quel est votre parcours ?
J’ai fait un master en droit à l’Université de Genève, puis une année Erasmus à Berlin. En 2011 j’avais 24 ans, mon père avait atteint l’âge de la retraite et était ravi que je le rejoigne et apprenne le métier dans les différents départements de l’entreprise familiale. En 2015, j’ai repris l’entreprise Harsch. Dix années sont passées ! Aujourd’hui je suis à la direction du Fine Art.
Quelle est votre force ?
J’aime développer, aller de l’avant. J’aime les défis, c’est sûr. Sortir de ma zone de confort. 7'000 mètres carrés c’est un grand défi. Et puis j’aime travailler en équipe. C’est mon équipe qui me nourrit, me stimule. Je porte les projets et mon équipe m’accompagne, chacun dans leur rôle. Ça marche très bien comme ça, pour ce nouveau bâtiment comme pour le rachat des entreprises de déménagement dans les cantons de Vaud et en Suisse alémanique. Malgré, un marché plus difficile en 2024, on va bien et on a un beau bassin de clientèle.
Quel conseil donneriez-vous aux jeunes femmes qui se battent dans le monde du travail ?
Je pense qu'il faut vraiment avoir du culot. Je l'ai personnellement expérimenté. Il manque encore beaucoup de femmes à de hauts postes. L'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes n’est pas encore atteinte. Il est vrai que lors d’assemblées où je suis la seule femme parmi les hommes, l’attention que l’on me porte devient un avantage dans la différence. Mais ce qui a le plus d’influence c’est mon parcours, mes réussites ou mes difficultés. Ce n’est pas l’identité de genre. C’est plutôt mon jeune âge qui a été le facteur le plus difficile car je n’avais que 28 ans lorsque j’ai repris les rênes. Il faut oser !
Harsch, entreprise spécialisée dans le transport d’œuvres d’art et la logistique propose également un service dédié à la gestion d’archives destiné aux entreprises. Aujourd’hui vous développez un nouveau pan d’activité. Comment vous est venue l’idée de créer un centre de stockage dans le canton de Genève ?
La conjoncture et la continuité de nos activités, le développement logique de notre entreprise. Nous n’avions plus assez de place dans nos dépôts malgré plusieurs agrandissements. Alors, la solution c’est ce nouveau bâtiment de 7'000 mètres carrés qui offre les meilleures conditions à nos clients. Nous proposons des espaces de stockages de 20m2 à 600m2 aménageables aux besoins du client, des salles de présentations, un accueil dans un environnement sobre, chic, sécure et avec les conditions d’excellence que nous prônons.

Quels efforts ont été les vôtres pour réaliser ce nouveau projet ?
Beaucoup de détermination, c’est essentiel. On passe par tous les cycles, l’enthousiasme, l’effort, la persévérance, les négociations, les doutes aussi car pour se lancer dans un projet de cette envergure il faut que financièrement ça suive, les aléas d’une construction, les budgets. Il faut avoir une vision claire et surtout être bien entourée, avoir son équipe et des partenaires de qualité. Ce sont de belles rencontres et une belle aventure.
Que met-on en stock et pour quelles raisons ?
On peut mettre beaucoup de choses. Des œuvres d’art, du mobilier, des choses qui sont chères à notre cœur, qui ont de la valeur à nos yeux. Elles peuvent avoir une valeur marchande ou une valeur sentimentale. Stocker, cela permet de garder, de conserver et finalement de maintenir un lien avec notre passé, notre histoire. Souvent, les gens gardent des choses qui ont un attachement émotionnel fort, l’histoire d’une famille, un vécu, un patrimoine, une histoire de vie.
Quels en sont les avantages et les enjeux futurs du stockage ?
L’avantage, c’est le stockage qui permet justement la conservation des biens. L’enjeu, c’est la qualité de la conservation. Les conditions exceptionnelles que nous offrons n’ont rien à voir avec une cave humide. La sécurité, la température et l’hygrométries sont des précautions que nous fournissons pour la conservation des biens dans notre centre de stockage.
Y a-t-il des réflexions liées à la transparence dans le monde de l'entreposage d’œuvres d’art ?
Nous entreposons sous EDO, entrepôts douaniers ouverts, donc la marchandise n'a pas besoin d'être dédouanée ni de payer les taxes, mais elle est déclarée. Rien n’est opaque, la loi le permet à certaines conditions. Il y a des contrôles et une transparence. Le statut de EDO (sous douane) est un régime de suspension de TVA. Les œuvres d’art ou d’autres marchandises sont mobiles et sont réexportées. C’est un régime important pour l’artisanat et l’industrie suisse.
Genève avec les Ports-Francs reste-t-elle encore en Europe une option/destination intéressante ?
Alors oui, elle l'est, mais pas forcément à cause des ports francs. Genève est une destination parce que la Suisse est encore attractive dans un monde où il y a beaucoup d'incertitudes. Elle l’est grâce à sa stabilité, à sa sécurité. En revanche, fiscalement, d’autres pays sont plus attractifs, comme par exemple, l’Italie pour les œuvres d’art. Nous travaillons toujours beaucoup avec Paris. Notre navette Genève-Paris fait le voyage toutes les semaines.
A quel type de public vous adressez-vous, galeries, collectionneurs, institutions, public ?
Tout le monde ! Absolument tout le monde et c’est là que réside notre force. Nous avons une clientèle diversifiée avec des besoins très différents que nous pouvons tous satisfaire.

Avez-vous une ou deux anecdotes marquantes à partager ?
- La première c'est au salon d'art Artgenève à Palexpo : Une mission très complexe que notre équipe ait dû relever a été l’installation, à Artgenève, de la monumentale Walkyrie de Joana Vasconcelos dont voici les dimensions en mètres ! 13,75 x 16,3 x 34 m. Cette œuvre, gigantesque et souple, a demandé une organisation particulière : il a fallu prévoir un système d’accrochage spécifique au plafond, gérer son poids et son volume considérable, et coordonner plusieurs personnes simultanément pour la manipuler sans l’endommager. L’installation a duré plusieurs jours complets, dans un contexte de délais serrés et de forte pression. Ce fut un véritable défi technique et logistique, mais aussi une réussite collective dont nous sommes fiers.
- La deuxième est liée à l’exposition d’un sarcophage dans l’Uni Bastions : Voici un mémorable transport : Un sarcophage, daté entre 150 et 170 de notre ère, dont le marbre est issu de la province d’Afyon en Turquie. Harsch a dû transporter ce sarcophage à l’Université des Bastions à Genève pour qu’il puisse être présenté au public. Ensuite, il a été réexpédié en Turquie.
Le défi le plus important a été de placer le sarcophage à Uni Bastions qui n'est pas un lieu d’exposition prévu pour accueillir un tel objet. Nous avons dû le faufiler par un trou de souris, alors que le sarcophage pèse près de 3 tonnes. En plus d’une manœuvre complexe nécessitant une grue, nos hommes ont été sous la pression médiatique. En effet, plusieurs caméras filmaient leur faits et gestes. En général, nos opérations ne se déroulent pas sous les projecteurs ! Le gros défi du transport a été de faire attention à ce qu’il n’y ait aucune torsion. Le travail pour sécuriser l’œuvre d’art a été minutieux et complexe pour que l’œuvre d’art soit maintenue de l’intérieur comme de l’extérieur et qu’il y ait le moins de mouvement possible lors du transport. Nous avons donc fabriqué une base métallique ainsi qu'une plate-forme en bois avec un contreplaqué, renforcé avec des sangles pour que le sarcophage ne subisse aucune torsion pendant le transport et les chargements. Nous avons réalisé une autre structure en bois pour renforcer à l’intérieur les deux côtés du sarcophage. Le transport a été mémorable pour nos hommes puisqu’ils ont été escortés par 4 voitures de police et une ribambelle de policiers armés. Pour plus de détail et la vidéo : https://www.harsch.ch/harsch-transporte-sarcophage-romain/
Crédits photographies ©AAG Vanna Karamaounas





